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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/102

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SABBAT

Poésie : grand Péché.

Mais, écoute ce que Dieu dit, encore. Peut-être, parle-t-il par la bouche de Satan… Qu’importe ! Écoute :

« J’avais compté sur mes poètes pour m’assister dans ce travail formidable où, si péniblement, je m’enfante tous les jours.

À eux d’alléger la mer, de draguer le sel, d’emplir les boisseaux, d’unir les étoiles et la braise, les rameaux et les clous, les couronnes et les fouets, d’accorder la royauté à qui la demande, la divinité à qui s’en croit digne, d’offrir le cilice à ceux dont le regard est pur et sombre comme un cloître, de béatifier les possédés et les fous, de dire que le crime n’est que l’excès du malheur…

À eux de donner l’absolu à l’instant, l’âme à l’heure déclose, de découvrir et de sacrer les visages dont je veux faire un lac, un lis, une douleur, d’affirmer que la vie est un tambour de clarté, qu’on n’a qu’à l’attacher à son flanc et qu’à le battre de sa chanson… À ces magiciens de surprendre la lente éclosion du monde dans la fleur, à ces dieux rapides d’offenser tendrement la douce pudeur du miracle et du rêve, à ces initiés pensifs de diriger mes aurores vers les ruines, de bercer les anges désolés des torrents, d’apporter ma paix à ceux dont l’âme crie, ma source à ceux qui ont des pieds de pèlerins, mon éter-