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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/110

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SABBAT

et, peut-être, ne dévorerai-je plus les agneaux… »

Sainte Sorcière ne sait où donner de la tête. Elle fait : « C’est bien ! C’est bien ! » de sa main un peu rude et parfumée de nature, mais il suffit qu’elle veuille affranchir les uns, assister les autres, approuver tout ce qui vit, l’ordre divin a lieu, et les morts, autour d’elle, se mettent à respirer doucement…

« Sainte Sorcière, lui crie Merlin, tu avais perdu ton âme… », et il présente à l’étonnée un pipeau qu’il a trouvé dans la menthe.

« Sainte Sorcière, lui chuchote Obéron, je m’empare de ta pudeur », et il montre à la furieuse qui rit tout de suite, le feuillage, le long feuillage qui se balance au vent.

« Sainte Sorcière, lui murmure Urgèle, n’as-tu pas un philtre à me donner ? L’amour déchire mon cœur », et sainte Sorcière arrache incontinent le cœur d’Urgèle et met à sa place un saint petit oiseau qui ne va plus cesser de chanter.

Le silence, le mystère, la sagesse, la grace, la joie, la dissipation, le rêve, le rythme, les espaces, l’Âge d’or, les mondes invisibles et le cher petit monde sensible aux yeux d’animal gracieux, crient sans fin : « Sainte Sorcière ! Sainte Sorcière !… » Le jour lui offre sa joue : c’est pour que sainte Sorcière étende, sur elle, le beau soir velouté ; le baiser la supplie de le conduire aux lèvres des hommes ; les morts l’implorent : « Caresse nos os dans le sol noir… » et la lyre se pré-