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SABBAT

Elle dit encore : « Si, du coquelicot, tu ne vois pas sortir Satan, nu comme le péché originel, pourpre comme le faste et le crime, tu es bien malheureux… » Ah ! bergère, je t’y prends. Bucolique à jamais, en dépit de tes nonnes, de tes cancéreuses, de tes villes incendiées et de tes fillettes possédées à l’ombre des pensionnats de province, ne mènerais-tu ton sabbat d’idées que parmi la fleur champêtre et sous une houlette ? Te voilà dressée contre le catholicisme, ma foi, de toute ta hauteur de cigale. Sévère et gigantesque, il en a vu bien d’autres… bien d’autres, mais pas celle-là. Tu l’atteins, et si bien qu’il en garde, collé à son front inflexible, le pétale d’une rose brûlante que tu lui as jetée avec les invectives qui peuvent rouler au gosier du plus terrible des rossignols.

Il en a entendu bien d’autres… bien d’autres, mais pas celles-là.

Peut-être que, noir et gigantesque, il se penche sur toi avec considération. « Elle aussi se connaît en péchés… »

Mais il ne te honnira pas, Hélène, autant que tu l’espères. Car il est subtil.

« Elle a, en somme, une idée de Dieu, et il n’est pas certain que sa joie, sa danse, sa douceur, par quoi elle pense nous échapper, soient aussi panthéistes qu’elle le croit… » Il a vu les cornes que tu attachas à ta houlette, les antennes diaboliques dont tu te coiffas, ta langue bifide, les signes maléfiques que tu dessinas, en pollen et en rosée, sur ton front