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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/123

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SABBAT

Toute grande poésie est infernale car elle a mes deux puissantes vertus : la révolte et l’orgueil. Eh ! qu’as-tu fait jusqu’à cette heure, sinon t’affranchir et espérer ? L’espérance est le plus immense orgueil, enfant de mon cœur.

Laisse mon alchimie puérile bouillir dans les creusets des Faust rudimentaires. Laisse mon imagerie effroyable et ridicule pervertir encore les adolescents abouliques qui nourrissent de vinaigre leur anémie rebelle et les prêtres qui, dans le sadisme effréné des peurs catholiques, se croient déjà embrochés par mes démons de théâtre forain parce qu’ils ont, parfois, le feu sous la soutane.

Enfant, enfant, je ne fais pas commerce de corne de jeune bélier égorgé sous le nombril des sorcières en rut ou de viscères de serpents surpris par la hache, à l’instant de l’amour.

Mon trafic est plus grave. Je suis le contrebandier qui passe les âmes de pur métal d’un monde à l’autre. Déjà, je t’ai soulevée dans mes bras. Bientôt, je te chargerai sur mon dos. Ma marque, à ton front, n’est pas une tache de suie. Elle est une traînée d’étoiles et, puisque tu invoques Satan, mérite-le.

Mais, va, je te connais. Tu joues aux osselets dans la tempête…

— Et puis, pour crever des cerceaux je n’ai jamais assez de diamants. Il me faut, encore, les poings d’or du soleil.

— Je sais. Tu viens de m’invoquer avec