Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

LA NUIT DU CURÉ DE CAMPAGNE

Celui-là, je le possède pendant son sommeil. Je joue avec lui, je me joue de lui. Il est ma récréation. Quand il dort, je ne cesse pas de le laisser envahir par l’extravagance. Je lui fais vivre, aussi bien, une image d’Épinal — tu sais que j’en suis le grand enlumineur — qu’un faste de fin d’Empire, qu’une honteuse réjouissance de sorcière.

Cet homme est ignorant, simple, pieux — dans le sens très gracieux du mot — doux, pur — dans le sens le plus absolu de la chose — et si candide ! N’appelle-t-il pas, pénétré de respect pour l’Écriture, son porc : « Nabuchodonosor ? » Et, plein des préjugés chrétiens, n’appelle-t-il pas le porc du voisin : « Sale Juif ? »

Mais ces braves gens de curés de campagne ne peuvent pas impunément avoir été nourris d’enfer, de ciel, de limbes, de purgatoire, de mystères, de sacrements, d’orthodoxie, d’exorcismes, de pères de l’Église, de martyrs, de législateurs sacrés, de schismes, de prédestinations, de conciles, de miracles, de