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SABBAT

ma rousse ! » Et Jeannine, mutilée, roula à terre.

« Tiens ! Madame Berthe, vous avez donc un compère-loriot ? » « Oui », fait Mme Berthe qui a, aussi, de la dignité, et qui absout tous les crimes de son diable. Mais c’est encore un coup de poing de celui-ci que la cordonnière dissimule sous un bandeau pudique. Figure-toi qu’elle avait, cette femme, dit aimablement bonjour à un client — et quel client ! — Pataud, le crétin. Mais pour le cordonnier l’outrage qu’il reçut eut une raison plus sérieuse. Tandis qu’elle souriait à Pataud le crétin, tout le corsage bleu que Mme Berthe avait sur elle souriait, souriait, aussi… Il souriait comme sourit le sulfate de cuivre dans le laboratoire jaloux, le bluet sur les images pieuses, l’ange Gabriel dans la verrière qui s’éteint sur le couchant… Eh quoi ! Madame Berthe, êtes-vous donc si candide que vous ignorez la malice de la couleur bleue, sa puissance perturbatrice sur les sens du Diable ? Et tandis qu’elle enveloppe votre poitrine de rousse, vous souriez ! Vous voulez donc provoquer l’enfer, Madame Berthe ? « Voilà pour toi, ma rousse ! » et la victime jeta un si grand cri de douleur qu’à la fois, le bénitier et le bossu eurent un sursaut.

Armande, aujourd’hui, est couchée. Elle crache un peu de sang : un coup de poing entre les deux épaules. « Voilà pour toi, ma rousse !… » Mais, hélas ! pourquoi chantais-tu, Armande, une chanson où il est question