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SABBAT

ossements ! — Mon cœur vole à son vent léger et terrible, mais tu ne le verras pas tourbillonner sous la forme d’une feuille qui a deux cornes de papillon et l’ourlet de phosphore à sa robe verte.

Va-t’en. Tu as, pour rivaux radieux et triomphants, ces adolescents que tu m’as amenés. Armés, fleuris, sonores et couronnés, ils se heurtent à la solitude avec leur flèche, leur rose, leur flûte ou leur pampre, de toute leur nudité de bronze, et je connais, par eux, l’indicible maléfice des cloîtres, dans ces musées où rien ne parle qu’un masque de pierre à une goutte de pluie.

Qu’ai-je besoin de toi ? Tu m’as laissé tes livres préférés, et, comme des clous d’or, je plante leurs mots les plus hardis dans mon âme la plus pourpre.

Va-t’en. J’ai convoité, jadis, toute la saine, toute l’abondante nourriture de la vie. Mais à cette heure, j’aime la table vide que je pare avec les rameaux, les coupes, les raisins que je me donne, ces raisins, ces rameaux, ces coupes que l’on gagne avec son soupir ou sa méditation.

Je préfère ton nom à toi. De ma main la plus belle, je le soulève comme une couronne ; de ma main la plus avare, je l’enferme comme un joyau dans un coffre scellé dans le mur ; de ma main la plus riche, j’en emplis des