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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/222

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SABBAT

boisseaux qui débordent ; de mon geste le plus provocant et le plus mortel, je le jette à mon âme comme le matador jette, au taureau, le haillon rouge.

C’est sur ton ombre démesurée, falaise vertigineuse, que je veux monter comme une marée d’équinoxe. Et puis, je te quitterai pour voir ce que j’ai, sur toi, laissé de moi en ruissellement d’azur, en richesse inespérée, et tandis que je ramènerai, dans mon amertume grondante, le naufrage, la mort, les monstres aux yeux voilés par les brumes aquatiques, les algues traîtresses, les sirènes écailleuses, peut-être, t’aurai-je comblé jusqu’à la perle…

Va-t’en, toi qui m’as conduite dans la forêt. C’est, toute seule, que je veux cueillir la résine dans son essentielle goutte d’or, et chercher la fraise, rubis de chair odorante et sucrée, sous les jambes nerveuses des chèvres noires.

Enfin, je rentrerai dans la nuit de ma maison hantée. J’allumerai les flambeaux pour chasser les furies de tes angoisses ; puis, je les éteindrai pour laisser s’approcher de moi, en brodequins bleus, les reines de ta douceur. Comme tes fantômes me sont plus précieux que toi !

Privilège des passions sans bornes ! Je trouve que ton apparence te diminue, te res-