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SABBAT

flamme vers le visage satanique qui rit, très bleu, à l’ouverture lointaine des cheminées, entre la girouette et le vent.

En fronçant, à peine, ce sourcil ferme, brun et délié que tu connais, il m’a suffi de penser : « Il sera ma bête et mon élément docile, la mandragore qui vient d’elle-même se coucher sur la main savante et clandestine, le rayon aspiré par le criminel buisson de roses que je représente… » Et cela s’est réalisé, car l’Espérance est l’Espérance et le poignard est le poignard.

Quand, doucement, j’ai murmuré avec cette voix qui serait celle de la perle, au milieu de la mer, si Dieu avait permis à la perle de parler : « Je veux ce vaisseau incohérent et magnifique qui cherche sa route parmi les vents contraires… » sur-le-champ, tu as fait naufrage sur ma côte de pirate.

Chut ! Ne m’as-tu pas amené tes esclaves parce que leur collier rouge était ma tentation délirante, et ne m’as-tu pas livré tes idoles parce que, je le confesse, les larmes de tes idoles sont nécessaires à la rédemption des miennes ?

Celui qui est le plus affamé a droit, dans le pays absolu qui est le mien, au pain des autres, et ton vêtement, de lui-même, est venu me couvrir quand j’étais nue.

En secouant mes cheveux pleins d’une odeur châtaine et de la paillette dorée, il m’a suffi de dire : « C’est celui-là et rien que celui-là qu’il me faut. À mon gré, je veux le