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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/255

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SABBAT

cher le sainfoin quand on a le visage même de l’aurore, un matin d’allégresse… Avec quelle complaisance je me suis révélée à toi comme un lézard poudré d’argent, un coquelicot coiffé de folie, un loriot ravageant les cerises dans les vergers qui sentaient bon la tiédeur du soir et la présence des chèvres ! Je t’ai jeté parmi ces hirondelles — lointaines, si lointaines visions ! — qui ressemblaient à une tribu de petites veuves dans la paix des ifs funèbres… Je t’ai avoué ma tristesse animale et soupirante qui me marquait, déjà, pour l’amour, à sept ans ! Je t’ai appris mes colères de vagabond — futur incendiaire, et, peut-être, égorgeur de bergers — qui me poussaient à lancer dans le puits, désespérément, des cailloux gris, pauvres et sales… Haine pour le puits ? Haine pour les cailloux ? Je ne sais plus… Et, pourtant, je t’ai confié que la pitié fut ma seule névrose, en dépit ou, sans doute, en raison de mes fureurs affreuses, que je pleurais sur la rose tombant sous le ciseau, sur le ciseau qui était obligé de couper la rose, sur la main qui tenait la rose et le ciseau, sur tout le mal qui est fait à tout parce que la vie est ce grand rire indifférent et magnifique dont le bruit est le soleil…

Fatigue… Fatigue… Fatigue… Je t’ai offert mon adolescence, sa ferveur de lis, sa sauvagerie d’églantine, sa révolte chantante et désespérée de captive, au fond de ce couvent qui avait, parfois, l’odeur de boulangerie et