Aller au contenu

Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
37
SABBAT

Une offense aux saints visages rongés d’ulcères et de crainte de Dieu. Votre innocence ? Une embûche. Votre pudeur ? Toute la malice. Votre silence ? Tout le péché. »

Dans cette crise, un Oblat vint nous prêcher une retraite. Celui-là ne badinait point. Il avait dû planter, jadis, quelques périssables oignons de tulipes, à Port-Royal, tout en méditant sur la prédestination.

Le Père Olivier ? Un homme de quarante ans, gras, sans force, crevant de sainteté et implacablement brun. Il portait, sur sa poitrine, un crucifix de cuivre astiqué férocement, et ses grands yeux meurtris étaient ceux d’un martyr fort pommadé.

Comme je fus l’implorer, un soir, dans le parloir où il se tenait à la disposition des « âmes en peine », il me rassura à peu près, en ces termes : « Courez vers la volupté, jeune fille… vous êtes perdue ; mais agenouillez-vous cinquante années, sur nos carreaux froids, pas une de vos prières ne vous dira : « Tu es sauvée. » Si vous serrez contre vous, le parfum de la vie, dans votre brûlante ceinture, notre rigueur vous condamne ; mais si vous portez le cilice, sur vos flancs déchirés, l’infini silence des pierres monacales ne cessera plus de vous torturer, car, sachez-le : dans les labyrinthes de la Grâce, on cherche, on trouve, on suit, on perd Dieu… On le rencontre encore… Il vous échappe, soudain… Il vous tend les bras… Vous lui parlez… Qui répond ? Ah ! trop souvent, nos larmes plus vai-