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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/58

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SABBAT

jeter tes bras nus au cou de toutes les folies et de consacrer, sorcière mystérieuse, ton innocence à l’amour…

— C’est vrai. Je trouve, tout de suite, ma place au soleil. Que fais-je ici ? Frôler des robes noires quand tout sent l’œillet dans mes Espagnes, le santal dans mes Indes, le cinname dans mes Arabies, quand j’écoute le silence de Jésus dans mes Palestines éternelles…

Et vous, Jésus, et vous ? Ne nous délivrerons-nous pas ? Qu’a-t-on fait de votre cœur qui aimait, comme le mien, les lis, les enfants, les possédés, la Cène — ce sabbat de pureté et d’amour ! — la croix, Barabbas et les parfums ?

Je détourne avec douleur mes yeux de ce cœur anatomique, de sa crudité sadique et cruelle, et, plongeant vos pieds sacrés dans le lac de Tibériade, ô mon frère de rêve et de folie, je vous lave de cet apostolat sombre, de cette rédemption accusatrice, de ce reproche incessant de nous avoir tant aimés qui ne vont pas, frère divin, avec vos cheveux de lumière et vos songes que le vent du Cédron emportaient…

Âme du froment, vous qui ne vouliez être, sans doute, que l’Hostie d’un soir, dans la caresse innocente et rude du Bien-aimé…