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SABBAT

suis le soupir des vieux chrétiens débiles et forcenés, car aucun de nous ne meurt jamais tout à fait à sa misère…

Dans les béguinages, je suis le séraphin qui neige sur la paix des âmes naïves, mais, dans les cellules monacales, je fais de mon ombre pénitente une croix sur le mur, et Satan vient, en pleurant, s’y attacher…

Que je suis coupable ! Je fus l’enfant innocente à laquelle on suggéra la malice en la lui reprochant. Je fus l’adolescente chaste que visita la volupté masquée de nuit et parfumée de sommeil. Je fus l’épouse magnifique et douloureuse, mais je suis partie de mon foyer avec des malédictions, car je dus être, sans doute, à travers des années de dévouement surhumain, infiniment coupable et digne de la rue étrangère à laquelle on me jetait.

Je n’ai abordé l’amour qu’avec mes vertus et la foi que j’avais en Dieu. J’ai respecté ses mains brutales, donné à son regard menteur, le sens de mes vérités et, dans son égarement, prié tout bas, pour sa rédemption. Quelle générosité fut la mienne ! J’ai supporté, en lui, ce qui m’était odieux, et adoré ce qui me torturait dans l’âme. J’ai pardonné, dans le dégoût et la révolte car la chair est prompte à me désespérer, et je n’ai, dans la volupté, que le refuge de l’esprit. Mais l’amour m’a