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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/71

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SABBAT

Alors, la sorcière qui n’est plus qu’un étincellement d’or, se sent portée aux lèvres altérées comme une coupe.

« Par Satan ! C’était ça, le plaisir, cette hâte ridicule, ce désespoir de marionnettes dont le fil va se casser ? Ah ! laissez rire la sorcière ! Que s’approche un sorcier désormais ! La révoltée et la rieuse le recevra, cornes en avant, comme les chèvres.

Connais-tu, sorcier, la branche flexible sur laquelle je me balance et qui fait soupirer l’arbre jusqu’au pays des morts ? Connais-tu l’ascension qui me transfigure et la marée qui me flagelle de l’ouragan de son galop ? Connais-tu le thym précieux à ma tiédeur, l’ortie agréable à mon sang rétif, le houx qui a raison de moi et sa cruauté qui m’achève ?

Comprends-tu ? Non. Que m’importe ! Mais Satan, subtil et pudique, Satan qui me visite dans mon sommeil plus doux et plus paisible que celui d’un enfant, ne m’a jamais mêlée à lui que par l’enchantement de la poésie. Je te jure que je ne sais pas sa vigueur de mâle ; mais, seulement, son ivresse de lyrique, et par la grâce, la beauté, la magie des images qu’il me présente, il est mon amant le plus direct, bien que le plus secret.

Je me ferais exorciser, crois-moi, si mon initiateur me montrait, à l’heure de l’amour,