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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/73

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SABBAT

a voulu de moi et comment, dans ce monde fantastique où le sommeil m’emporte, la présence d’une rose ou la respiration de la mousse sensible suffit à me vaincre dans la volupté ?

Mais ce qui compte, c’est que mon âme, dans ses royaumes les plus lointains, reçoit les ondes de mon frisson suprême, c’est que la fête créatrice s’ajoute à ma seconde fulgurante, c’est que le consentement de l’univers porte ma joie comme sa bacchante, le pampre, c’est que le mystère, en égarant mon ivresse, la rend infinie.

Ah ! c’est que mon soupir tombe de la plus haute colère : de celle des fleurs pourpres et des ailes frappant l’azur, c’est que je ne meurs que de vitalité éternelle, c’est que ma perfection, dans l’instant, est réalisée par le profond travail amoureux de tout ce qui germe, fleurit, murmure, rampe, vole, rayonne et que je deviens, tant est complète et magnifique l’harmonie entre la sensation et le rêve, l’épouse des épis ou de la lune rose.

…Des couleuvres pareilles à des couronnes bleues… Des lézards qui jouent au soleil, comme des topazes, et se recueillent, comme des émeraudes, à l’ombre… Des tortues qui éclairent leur carapace d’avares des feux de leurs yeux de rubis… Des léopards qui s’essayent au pas humain en se tenant debout dans les forêts mouillées de lune… Des rossi-