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SABBAT

accroché comme une veilleuse, dans la nuit forestière, que ceux du berger qui danse, la flûte aux doigts, pour son chevreau.

S’il me plaît de retrouver un être dans l’aridité odorante des fleurs sauvages, de le faire jeune de toutes les feuilles qui poussent, grave de toutes celles qui tombent, de le mêler à la clarté qui m’exalte, à l’ombre qui me rend si pensive, de donner, aux fruits que je mange, sa chair, et, aux bêtes que je caresse, sa mystérieuse séduction, je ne veux plus devenir le monstre qui, au nom de l’amour qu’il éprouve, fait dépendre tous ses soleils d’un regard, toutes ses plénitudes de l’incertain sourire de la bouche convoitée, toutes ses harmonies de l’approbation de l’âme qui est toujours l’ennemie et toujours l’étrangère quand on l’adore comme la divinité unique.

Les as-tu vus, ces infirmes farouches et dégoûtants : les désespérés d’amour ?… Dans leur lazaret, ils ne savent pleurer que sur leurs ulcères et faire honte, à la création émerveillée, de la vermine de leur malheur.

Ah ! c’est fini, va… Si l’amour ne me sacre pas plus belle, plus vivante, plus chaude, plus libérée, plus parfaite, s’il ne m’apprend pas la science infinie dont l’expression la plus pathétique est le chant de l’oiseau ou le bourdonnement de l’abeille, si, non plus but restreint, mais moyen sacré, il ne m’allie pas, à la Bête qui trône au-dessus de Dieu, aux Séraphins enfermés dans leurs ailes ou aux Démons que j’ai décousus de l’Enfer, eh bien !