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SABBAT

qu’il ne soit plus pour moi, désormais, qu’une de ces anciennes petites idoles d’argile auxquelles nous sourions dans les Musées naïfs.

Elles ont porté, jadis, tout le poids de la ferveur humaine. Inclinons-nous, mais passons, et disons-nous que nous avons mieux à faire que de mourir pour la statuette, nous, les poètes qui devons forger sans cesse l’univers à notre image.

Et, surtout, songeons que nous avons à nous préparer à l’autre vie. N’y entrons que légers et parfumés comme au sortir du bain et du sommeil…

— Il n’y a qu’une certitude : la mort.

— Oh ! de grâce, assez. L’adieu de l’instant ? Petit défi dont mon éternité se couronne…

Je suis plus solide dans l’espérance que le cèdre dans la lumière du Liban.

Regarde : je tends, à la mort, mes mains blanches, et elle boit les étoiles qui les remplissent.

Je ne m’inspire que de moi-même, Bémolus, mais ma philosophie est la corbeille de rêves que l’innocence pose, chaque soir, au chevet des enfants. Il n’y a qu’eux qui possèdent et qui ont raison.

J’ai toujours cru que, de ce monde, je passerai dans le monde illimité dont nous n’avons, par la poésie, qu’une révélation confuse. Mais nos pures caresses, nous les donnons avec nos mains recueillies de là-bas, et, souvent, notre ombre prend, par les sereines