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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/90

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SABBAT

passer des Anges, crois que leur milice éblouissante naît sans fin de ma droite et qu’elle sera ma postérité.

Je suis maudite et sainte, c’est-à-dire, poète. Ne puis-je pas faire du ciel et de l’enfer, de la Merveille, en un mot, quand il me plaît, les yeux là-bas ?…

Dieu ? Mais je ne cesse pas d’entendre son appel éperdu dans mon âme, car c’est lui, poète, qui prie.

Écoute bien et tu l’entendras.

Ne devons-nous pas l’exaucer ? C’est du désir que j’ai de mettre, avec toute ma douceur humaine, mes mains sur son visage inconcevable, qu’est fait l’amour que je lui donne.

Le Dieu inconnu et sensible ? Il implore notre tendresse pour les agneaux par la candeur des pâturages, il nous rappelle combien est court notre voyage par le cri du courlis qui va émigrer, il réclame notre recueillement par le frisson du roseau isolé dans le marécage, il admet que nous l’accusions avec le sang du crime et le hurlement du loup, il comprend que, parfois, nous blasphémions devant le soleil, ce dragon insensible et dévorant, la lune, cette morte attentive et glacée… Et, dans ses aspirations inouïes, sa frénésie créatrice, comme il est porté par ce démon superbe : notre orgueil ! Comme il est servi par cette bête sereine : notre force ! Comme il est heureux et enrichi quand nous rêvons dans l’abîme et sur les sommets ! Comme il respire