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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/98

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SABBAT

Grandissez, grandissez au-dessus de votre mère, de votre maison, plus haut que le tilleul, que le cèdre noir, que la tour, que la vie, génies furieux et doux.

Quand vous serez comme parfaits, dans l’initiation et la prière, vous m’entendrez, parfois, alors que les heures sont les roues pensives des étoiles, vous demander pardon tant je vous aurai comblés de grâce et de science ; mais vous resterez humains.

Vous recueillerez, au pied de l’arbre, l’ombre du bûcheron pour en caresser la fatigue. Des soirs, vous vendrez vos beaux yeux de poètes pour acheter l’humilité et la jupe boueuse d’une misérable, et vous sertirez ses pauvres péchés honteux de diamants inconnus ; mais vous resterez très purs.

Vous donnerez à la lampe de ceux qui veillent et qui attendent, par les nuits de pluie et de détresse, le pas de l’Annonciation, vos regards de Satans fidèles ; mais vous resterez joyeux.

Mes chevaliers, mes prêtres, mes démons, vous délivrerez la sirène de sa prison de corail, et les mers vous feront un cortège injurieux et triomphal.

Vous marierez la bacchante au raisin, la bergère à la prairie, la nonne à sa bure, Ophélie au drame et à la fleur, le mendiant à sa besace, Pallas à ses lances d’or, la candeur à sa quenouille et Madame de Saba à ses rubis.

Vous tiendrez captive, sur votre poitrine