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Page:Plaute, Térence, Sénèque - Théâtre complet, Nisard.djvu/50

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PLAUTE.

crois pas qu’aucun mortel puisse être aussi éperdument amoureux de sa femme, que mon maître l’est de vous.

Jup. Que dis-tu, bourreau ? De quoi te mêles-tu ? Retire-toi tout à l’heure ; garde pour toi tes réflexions ; si tu dis un mot, vingt coups de bâton.

Alcm. Non, non, de grâce.

Jup. Que je t’entende !…

Merc. Mon premier coup d’essai, en flatterie, m’a réussi assez mal.

Jup. Vous avez raison, Alcmène ; mais ne vous fâchez pas contre moi. J’ai dérobé pour vous ces instants à mon devoir ; j’ai voulu que vous apprissiez de ma bouche ce que j’ai fait pour la patrie. Je vous ai tout raconté en détail ; si je ne vous aimais pas, aurais-je agi de la sorte ?

Merc. Ne l’ai-je pas bien dit ? Comme il la flatte, le patelin !

Jup. À présent, de peur que l’armée ne s’aperçoive de mon absence, il faut que j’y retourne secrètement, afin qu’on ne dise pas que j’ai préfère ma femme à la république.

Alcm. Votre départ va me coûter bien des larmes.

Jup. Cessez ; ne gâtez pas vos beaux yeux : je je viendrai bientôt.

Alcm. Ce bientôt est bien éloigné !

Jup. C’est à regret que je vous quitte, et que je m’éloigne de vous.

Alcm. Puis-je le croire, quand je vous vois partir la nuit même où vous êtes arrivé ?

Jup. Ne me retenez pas ; il est temps que je parte ; je veux être hors de la ville avant qu’il fasse jour. Acceptez cependant cette coupe qui m’a été donnée comme le prix de mon courage ; c’était celle dont se servait le roi Ptérélas, que j’ai tué de ma main ; je vous en fais présent, Alcmène.

Alcm. Je vous reconnais à cette marque de tendresse ; le présent m’est précieux, et digne de la main dont je le reçois.

Merc. Il l’est encore plus de la personne à qui il est offert.

Jup. Tu ne te tairas pas, pendard ! Veux-tu que je t’assomme ?

Alcm. Mon cher Amphitryon, en ma faveur faites grâce à Sosie.

Jup. J’y consens, puisque vous le voulez.

Merc. Il a l’amour bien brutal !

Jup. Qu’exigez-vous encore ?

Alcm. Que vous m’aimiez, que vous songiez a moi, malgré l’absence.

Merc. Allons, Amphitryon ; il va faire jour.

Jup. Sosie, va devant, je te suis à l’instant. Adieu, chère Alcmène ; que voulez— vous encore ?

Alcm. Toujours la même chose, que vous reveniez au plus tôt.

Jup. Je le promets ; je serai plutôt de retour que vous ne l’imaginez : prenez courage. (Alcmène sort.)

Maintenant, ô Nuit que j’ai retenue sur l’horizon, je te donne congé de partir ; cède la place au Jour, et laisse sa vive et pure lumière éclairer les mortels. Autant tu as été plus longue que la nuit précédente, autant le jour qui va suivre sera plus court ; je le veux ainsi, afin de rétablir l’équilibre, et de tout faire rentrer dans l’ordre. A présent, je vais rejoindre Mercure.

ACTE SECOND.
SCÈNE PREMIÈRE.
AMPHITRYON, SOSIE.

Amph. Allons, marche ; suis-moi.

Sos. Me voilà derrière vous.