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AMPHITRYON.

de mon vaisseau ; dis-lui que je l’invite à dîner avec moi après le sacrifice.

Sos. Je serai déjà de retour que vous me croirez encore là.

Jup. Reviens tout de suite.

Alcm. Ne voulez-vous plus rien de moi ? Je rentre pour faire tout ce qui est nécessaire.

Jup. Allez, et disposez tout aussi promptement que vous le pourrez.

Alcm. Vous viendrez quand vous voudrez ; je ferai en sorte que le sacrifice n’éprouve aucun retard.

Jup. À merveille ; c’est parler comme une épouse exacte et soigneuse. (Seul.) Et la maîtresse et l’esclave sont tous deux dans l’erreur ; tous deux me croient Amphitryon ; il n’est pas temps de les détromper. — Et toi, divin Sosie, je m’adresse à toi, et tu m’entends ; car tu es présent quoique invisible. Lorsque Amphitryon va arriver, éloigne-le de sa maison par quelque prétexte, par quelque fourberie de ton invention. Je veux qu’on se moque un peu de lui, tandis que je passe des moments agréables avec son épouse, que je lui emprunte ; fais donc ce que je te dis, et viens aussi me servir pendant le sacrifice que je m’offrirai à moi-même. (Il rentre.)

SCÈNE IV[1].
MERCURE.

Rangez-vous, rangez-vous, qu’on me laisse passer ; que personne ne soit assez hardi pour me retarder un instant. Pourquoi, moi qui suis un dieu, ne ferais-je pas aussi bien ces menaces au peuple que tous les valets de comédie ? Car c’est là leur manière d’entrer sur la scène, lorsque l’un vient annoncer l’entrée d’un vaisseau dans le port, l’autre le retour d’un vieillard en colère. Pour moi, j’obéis au grand Jupiter ; c’est par son ordre que j’accours. Il est donc bien juste qu’on me fasse de la place, et qu’on se range pour moi. Mon père m’appelle, je le suis ; je m’empresse d’exécuter ses ordres ; c’est le devoir d’un bon fils. Je lui sers de complaisant dans ses amours ; je fais le guet, j’exhorte, j’avertis ; je prends part à ses succès. Lorsqu’il a du plaisir, j’en suis plus satisfait que lui-même. Il est amoureux ? Eh bien ! il a raison, il suit son inclination ; tous les hommes n’en font-ils pas autant ? Et ils font bien, pourvu qu’ils ne sortent pas des justes bornes. Mon père veut à présent qu’on se moque d’Amphitryon. Soit, je m’en charge ; et vous allez voir comment je m’acquitterai de la commission. Je vais mettre une couronne sur ma tête, et feindre d’être ivre ; je monte là-haut ; et ce sera de là que je le renverrai. Il n’a qu’à approcher de la maison : j’agirai de sorte que s’il n’est pas ivre aussi, ce ne sera pas faute de lui avoir versé à boire[2]. Ensuite il s’en prendra à son esclave Sosie ; et celui-ci payera le mauvais tour que j’aurai joué à son maître. Que m’importe ? Il faut bien que j’obéisse à Jupiter, mon père, et que je me conforme à ses désirs. Mais voici Amphitryon qui arrive ! Vous allez être témoins des divertissements que je vais me donner à ses dépens. J’entre là dedans, et je vais m’affubler d’un costume conforme à mon rôle. Ensuite, monté sur les toits, je me mettrai en devoir de renvoyer notre homme.

ACTE QUATRIÈME.
SCÈNE PREMIÈRE.
AMPHITRYON.

J’ai voulu rejoindre Naucratès ; je n’ai pu le trou-

  1. Il vaudrait mieux que cette scène fût la première de l’acte quatrième. Il est vrai qu’alors le troisième serait bien court. (Andrieux.)
  2. Mauvais jeu de mo’â sur madidas et sobrius. « De supero , quum hue , ad cesserit , faclam ut sit madidus sobrius. It/adidus mero’, mouillé de vin , ivre sobrius , sobre, A Jeuu. Je ferai qu’il soit mouiUè ; quoiqu’il soit â Jeun. Mercure veut dire qu’il lui jettera de Teausurla tète ; et ii le dit, en faisant une pointe qui n’est pas de fort bon goût. (Andrieux.)