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Page:Plaute, Térence, Sénèque - Théâtre complet, Nisard.djvu/60

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PLAUTE.

Alcm. Pourquoi n’avez-vous pas amené mon parent Naucratès ? Vous avez annoncé que vous le conduiriez ici, et qu’il rendrait témoignage que vous n’étiez pas revenu cette nuit ?

Jup. Ne prenez donc pas au sérieux tout ce que je n’ai dit que pour rire et par amusement.

Alcm. Cet amusement m’a blessée jusqu’au fond du cœur.

Jup. Par votre main que je touche, Alcmène, je vous conjure de me pardonner.

Alcm. Vos calomnies étaient détruites d’avance par ma conduite ; mais puisque vous me faites grâce à présent des mauvaises actions, je veux me mettre à l’abri des mauvais discours. Séparons-nous ; reprenez vos biens, et rendez-moi ce qui m’appartient. Ordonnez à mes femmes de me suivre.

Jup. Y pensez-vous, Alcmène ?

Alcm. Si vous me refusez, je partirai seule. Ma vertu sera ma compagne.

Jup. Arrêtez ; demeurez ; je suis prêt à faire tous les serments que vous voudrez pour attester que je crois fermement à la vertu de mon épouse. Si je vous trompe en cela, je t’en conjure, o grand Jupiter, fais éclater à jamais ta colère sur Amphitryon.

Alcm. Ah ! plutôt qu’il lui soit à jamais favorable !

Jup. Il le sera, croyez-moi ; car mon serment est sincère. Eh bien ! êtes-vous encore fâchée ?

Alcm. Mon ami…

Jup. C’est bien à vous. Voilà ce qui arrive souvent dans la vie humaine ; on a des plaisirs ; on a du chagrin. On se brouille ; on se raccommode ; et lorsqu’entre des personnes qui s’aiment il s’est élevé de ces petits nuages, et que ces nuages se sont ensuite dissipés, on est deux fois meilleur ami qu’auparavant.

Alcm. Vous auriez dû m’épargner de pareils discours ; mais puisque vous m’en faites réparation, il faut bien que je vous pardonne.

Jup. Faites préparer, je vous prie, les vases destinés aux sacrifices, afin que j’accomplisse les vœux que j’ai faits aux dieux, pour mon heureux retour.

Alcm. J’en aurai soin.

Jup. Qu’on appelle Sosie, et qu’il aille chercher Blépharon, le pilote du vaisseau dans lequel je suis venu. Je veux qu’il dîne avec nous. (À part.) Quant à Sosie, il ne dînera point, et l’on rira à ses dépens. Pour Amphitryon, je me charge de le mettre dehors.

Alcm., à part. Qu’a-t-il donc ? et de quoi se parle-t-il à lui-même ? Mais la porte s’ouvre ; et je vois venir Sosie.

SCÈNE III.
JUPITER, SOSIE, ALCMÈNE.

Sos. Mon maître, me voici prêt à exécuter vos ordres.

Jup. Fort bien ; j’ai besoin de toi.

Sos. La paix est donc rétablie entre vous ? je m’en réjouis ; c’est un grand plaisir pour moi de vous retrouver en bonne intelligence. Que doit faire un brave homme d’esclave ? Se conformer à l’humeur de ses maîtres, composer son visage sur le leur ; être triste s’ils sont chagrins ; joyeux s’ils sont contents. Mais dites-moi, vous n’êtes donc plus fâchés l’un contre l’autre ?

Jup. Tu railles, apparemment ; tu sais bien que de ma part ce n’était qu’un jeu.

Sos. Un jeu, dites-vous ? Je vous proteste que j’ai bien cru que c’était tout de bon.

Jup. On m’a pardonné ; la paix est faite.

Sos. Tant mieux.

Jup. Je vais dans ma maison faire un sacrifice, pour accomplir mon vœu.

Sos. Fort bien.

Jup. Va de ma part chercher Blépharon, le pilote