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Page:Plaute, Térence, Sénèque - Théâtre complet, Nisard.djvu/59

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AMPHITRYON.

puissant de l’Olympe. Mais aussitôt que je descends en ces lieux, je ne suis plus qu’Amphitryon, dont je prends l’habit tout exprès. Dans ce moment, c’est pour vous que je viens ; car il faut achever cette comédie. Je viens aussi au secours d’Alcmène, que son mari accuse d’un crime qu’elle n’a pas commis ; je me reprocherais de laisser cette pauvre femme souffrir d’une faute qui est la mienne. Je vais continuer, comme j’ai commencé, à passer pour Amphitryon, et à jeter, sous ce déguisement, beaucoup rie trouble et d’inquiétude dans cette maison. Ensuite, je publierai la vérité ; et quand il sera temps, je viendrai au secours d’Alcmène dans l’enfantement ; j e ferai en sorte qu’elle accouche sans douleur de deux jumeaux dont l’un est mon fils, et l’autre celui de son époux. J’ai ordonné à Mercure de venir me joindre, et de prendre mes ordres au plus tôt. Alcmène vient ; je vais m’entretenir avec elle.

SCÈNE II.
ALCMÈNE, JUPITER.

Alcm. Je ne puis, dans le trouble qui m’agite, demeurer à la maison. Eh quoi ! me voir accuser par mon époux d’une pareille infamie ! me voir déshonorée ! Il ose nier des faits, et il ose m’imputer des crimes que je n’ai pas commis ! Croit-fl que je resterai insensible à un pareil traitement ? Non, par Pollux, je ne le serai pas ; je ne souffrirai pas qu’il me calomnie davantage. Je l’abandonnerai ; je me séparerai de lui, et je l’obligerai à me faire réparation, et à désavouer avec serment l’injuste accusation dont il a voulu noircir mon innocence.

Jup., à part. Je vois bien qu’il faudra faire ce qu’elle veut, pour me rétablir dans ses bonnes grâces et dans sa tendresse ; mon amour a chagriné Amphitryon, et tourmenté assez longtemps ce brave homme. Il faut à mon tour essuyer ici les effets de sa colère et de la querelle qu’il a faite à sa femme, quoi que sur ce point je sois bien innocent.

Alcm. Le voici cet époux qui me traite avec tant d’indignité !

Jup. Je voudrais vous parler. Vous détournez vos regards ?

Alcm. C’est mon humeur. Je n’ai jamais aimé à voir mes ennemis.

Jup. Ô ciel ! que dites-vous ? Vos ennemis !…

Alcm. Sans doute ; et je dis la vérité : à moins qu’il ne vous plaise de me donner encore un démenti sur ce point.

Jup. Il veut lui prendre la main. Vous êtes trop vive !

Alcm. Contenez-vous, je vous prie ; vous êtes bien hardi, de me toucher ! Vous me croyez coupable ; vous osez le dire ; après cela, vous ne devez avoir aucune sorte de commerce avec moi, à moins que vous n’ayez perdu tout à fait sens et raison.

Jup. Qu’importe ce que j’ai dit ? Vous n’en êtes pas moins vertueuse, et je n’en crois pas moins que vous l’êtes. Je suis venu ici exprès pour me justifier. Jamais rien ne m’a fait plus de peine que d’apprendre que vous fussiez en colère contre moi. Pourquoi donc, me dites-vous, avez vous tenu un pareil langage ? Je vais vous l’expliquer. Certes, je ne vous ai jamais fait l’injure de douter de votre vertu ; mais j’ai voulu vous mettre à l’épreuve ; j’ai été curieux de voir ce que vous feriez, et comment vous prendriez cette plaisanterie. Car je n’ai pas eu d’autre intention que celle de plaisanter. Demandez-le à Sosie.