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Page:Plaute, Térence, Sénèque - Théâtre complet, Nisard.djvu/58

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PLAUTE.

Amph. N’ai-je pas soupe hier dans mon vaisseau, au port Persique ?

Alcm. J’ai aussi des témoins qui attesteront la vérité de ce que je dis.

Amph. Comment ! des témoins ?

Alcm. Oui, des témoins.

Amph. Des témoins de quoi ?

Alcom. Un seul suffit. Nul autre que Sosie n’est resté ici avec nous.

Sos. Je ne sais que dire de tout ceci, à moins qu’il n’y ait un autre Amphitryon qui se mêle de faire vos affaires, et de jouer votre rôle en votre absence. J’étais déjà fort étonné d’avoir vu un second Sosie ; le second Amphitryon ajoute à mon étonnement. Il y a là quelque magicien qui trompe votre épouse.

Alcm. Je jure par le trône du grand Jupiter, par la chaste Junon, que je dois craindre et respecter par-dessus tout, qu’aucun homme que vous seul n’a jamais approché de moi, qu’aucun étranger n’a souillé votre lit.

Amph. Puissiez-vous dire vrai !

Alcm. Je dis la vérité ; mais que me sert-il de la dire, si vous ne voulez pas me croire. ?

Amph. Vous êtes femme ; les femmes jurent hardiment.

Alcm. Celle qui n’a point failli peut être hardie à se défendre, et parler d’elle-même avec orgueil.

Amph. Vous n’en manquez pas.

Alcm. J’ai celui qui sied à une femme vertueuse.

Amph. Vos discours le prouvent !

Alcm. Je n’ai jamais cru qu’une femme fût dotée de ce qu’on appelle sa dot ; mes vraies richesses sont, à mes yeux, la chasteté, la pudeur, le calme des passions, la crainte des dieux, la piété filiale, la concorde entre parents ; c’est de vous être soumise, d’être bienfaisante envers les bons, serviable aux gens de bien.

Sos. S’il faut l’en croire, elle est une femme parfaite.

Amph. Elle me charme, et me met au point de ne plus savoir qui je suis,

Sos. Vous êtes Amphitryon ; souvenez-vous-en bien ; et n’allez pas vous perdre vous-même ; car depuis notre retour ici nous ne voyons plus que métamorphoses.

Amph. Ma femme, je suis très-décidé à éclaircir la vérité de tout ceci.

Alcm. J’y consens, et vous me ferez plaisir.

Amph. Eh bien ! répondez-moi. Qu’avez-vous à dire, si j’amène ici, de mon vaisseau, Naucratès votre parent ? Et s’il dément d’une manière formelle tout ce que vous dites, quel traitement croyez-vous mériter ? N’avouez-vous pas que je suis en droit de vous répudier honteusement ?

Alcm. Vous pouvez tout, si je suis coupable.

Amph. À merveille ! Allons Sosie ; fais entrer ces prisonniers dans la maison ; et moi je retourne au vaisseau chercher Naucratès, et l’amener avec moi.

Sos., à Alcmène. Maintenant nous voilà seuls. Dites-moi bien sincèrement la vérité ; y a-t-il là dedans un autre Sosie qui me ressemble ?

Alcm. Va-t’en ; laisse-moi, digne serviteur d’un tel maître[1].

Sos. Que je m’en aille ! je ne demande pas mieux.

Alcm. Grands dieux, qui me connaissez, comment se fait-il que mon époux ait eu l’horrible pensée de me calomnier d’une manière si cruelle, de m’accuser faussement d’un tel crime ?… Allons, attendons mon paient Naucratès ; je saurai de lui la vérité.

ACTE TROISIÈME.
SCÈNE PREMIÈRE.
JUPITER.

Je suis cet Amphitryon dont l’esclave est ce Sosie, qui devient Mercure quand il le faut ; et moi je deviens, quand il me plaît, Jupiter, le maître tout-

  1. Jeu de mots sur abin, abes. — Abi était l’expression dont on se servait pour affranchir les esclaves, Abi, va-t’en. Sosie joue sur le mot, et dit : je m’en irai. Je te tiendrai pour affranchi, si vous le voulez. (Andrieux.)