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Page:Plaute, Térence, Sénèque - Théâtre complet, Nisard.djvu/57

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AMPHITRYON.

dit Alcmène, il semble qu’elle veuille nous faire devenir fous.

Alcm. De qui puis-je avoir reçu cette coupe, si ce n’est de vous-même ?

Amph. C’est ce qu’il faut éclaircir.

Sos. Jupiter !… Ô grand Jupiter !

Amph. Qu’as-tu ?

Sos. Point de coupe dans le coffret.

Amph. Qu’entends-je ?

Sos. La vérité.

Amph. Malheur à toi, si la coupe ne se retrouve !

Alcm. La voilà retrouvée.

Amph. Qui donc vous l’a donnée ?

Alcm. Celui qui m’interroge.

Sos., à Amphitryon. Vous me tendez un piége, je le vois. Vous aurez quitté le vaisseau, vous serez venu ici avant moi, en cachette, par un autre chemin ; vous aurez retiré la coupe, et l’aurez donnée à votre femme ; et ensuite vous aurez remis votre sceau sur le coffret, pour me surprendre.

Amph. Eh ! bon dieu ! tu veux donc prendre son parti, et la confirmer dans sa folie ? — Vous dites que nous sommes arrivés hier ici ?

Alcm. Sans doute, je le dis ; et à votre arrivée vous m’avez saluée ; je vous ai rendu votre salut, et je vous donnai un baiser.

Amph. Voilà un baiser, pour début, qui ne me plaît point du tout. Continuez ; je vous écoute.

Alcm. Vous avez pris un bain.

Amph. Ensuite ?

Alcm. Vous vous mîtes à table.

Sos. Cela va fort bien ; poussez l’enquête.

Amph. (à Alcmène.) Ne m’interromps pas, à Sosie. Continuez votre récit.

Alcm. On servit le souper ; vous soupâtes avec moi ; je me plaçai à vos côtés.

Amph. Sur le même lit ?

Alcm. Sur le même.

Sos. Haïe ! voilà un fâcheux souper.

Amph., à Sosie. Laisse-la dire jusqu’au bout. (À Alcmène.) Et après que nous eûmes soupe ?

Alcm. Vous disiez que vous aviez envie de dormir ; on ôta la table ; et nous allâmes nous coucher.

Amph. Où avez-vous couché, s’il vous plaît ?

Alcm. Dans la même chambre, à vos côtés, dans le même lit que vous.

Amph. Vous m’avez assassiné.

Sos. Qu’est-ce ? Qu’avez*vous ?

Amph. Elle vient de me donner le coup mortel.

Alcm. Qu’est-ce donc, mon cher amour ?

Amph. Ne me donnez pas ce nom.

Sos. De grâce, qu’avez-vous ?

Amph. Misérable ! Je suis mort ! On a porté atteinte à sa pudeur, en mon absence.

Alcm. Pouvez-vous, mon cher mari, me tenir un pareil langage ?

Amph. Votre mari[1] ! Je ne le suis plus. Ne m’appelez plus de ce nom.

Sos. S’il n’est plus homme, il faut donc qu’il soit devenu femme.

Alcm. Qu’ai-je donc fait, pour entendre de si cruels reproches ?

Amph. Vous avouez sans rougir ce que vous avez fait, et vous me demandez quel est votre crime ?

Alcm. Quelle faute ai-je commise, en couchant avec vous, moi qui suis votre femme ?

Amph. Vous avez couché avec moi ? Peut-on mentir avec plus d’impudence ! Si vous avez renoncé à la pudeur, feignez du moins d’en avoir encore.

Alcm. Le crime que vous me reprochez n’est pas fait pour une femme de ma race. Vous avez beau m’en accuser, vous ne le prouverez jamais.

Amph. Ô dieux immortels ! Mais toi, du moins, Sosie, me connais-tu ?

Sos. À peu près.

  1. Jeu de mots sur vir, homme et mari.