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Page:Plaute, Térence, Sénèque - Théâtre complet, Nisard.djvu/56

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PLAUTE.

point de complaisance. M’as-tu entendu aujourd’hui faire à ma femme le récit dont elle parle ?

Sos. Permettez-moi de vous demander si vous devenez fou à votre tour, de me faire une pareille question, à moi qui suis dans le même cas que vous, et qui vois maintenant Alcmène pour la première fois depuis mon retour ?

Amph. Eh bien, ma femme, l’entendez-vous ?

Alcm. Oui, vraiment ; et j’entends fort bien qu’il ment.

Amph. Ainsi, vous n’en croyez ni Sosie, ni votre mari ?

Alcm. C’est que je m’en crois encore davantage moi-même, et que je sais que tout s’est passé comme je vous le dis.

Amph. Vous dites que je suis arrivé hier ?

Alcm. Vous niez d’être parti ce matin ?

Amph. Assurément, je le nie ; et je vous répète que je ne suis point revenu chez moi, et que je ne vous ai point vue avant ce moment.

Alcm. Nierez-vous aussi que vous m’ayez fait présent d’une coupe d’or, et que vous m’ayez dit qu’elle vous a été décernée pour récompense ?

Amph. Je ne vous l’ai point donnée, et je ne vous ai point tenu ce discours ; il est vrai que j’ai eu et que j’ai encore le dessein de vous faire ce présent. Mais par qui savez-vous tout cela ?

Alcm. Par vous-même, qui me l’avez appris, et qui m’avez offert la coupe de votre propre main.

Amph. Alcmène a dans l’idée de faire voir la coupe à Amphitryon, et elle fait un mouvement pour sortir ; il la retient, et lui dit : Attendez, attendez, je vous prie. Je ne puis concevoir, Sosie, comment elle est instruite du don que l’on m’a fait de cette coupe ; il faut que tu sois déjà venu, et que tu l’en aies informée[1].

Sos. Je vous jure que je ne lui ai pas parlé, et que je ne l’ai vue qu’en même temps que vous.

Amph. Je n’entends rien à cette femme-là.

Alcm. Voulez-vous que je fasse apporter la coupe ?

Amph. Oui ; je le veux.

Alcm. Soit. Thessala, va dans la maison chercher la coupe dont mon époux m’a fait présent aujourd’hui.

Amph. Viens ici, Sosie : de tout ce qui me surprend ici, ce qui me surprendrait le plus, ce serait qu’elle eût en effet cette coupe.

Sos. Comment voulez-vous qu’elle puisse l’avoir, quand je la tiens, moi, bien renfermée dans ce petit coffre scellé de votre sceau ?

Amph. Le sceau est-il entier ?

Sos. Regardez.

Amph. Oui ; le voilà bien, dans le même état où je te l’ai donné.

Sos. Vous voyez bien qu’il faut la faire traiter comme folle.

Amph. Elle en aurait, ma foi, grand besoin ; car elle est visionnaire.

Alcm. Trêve de paroles inutiles ; vous vouliez voir la coupe ? La voici.

Amph. Donnez-la-moi.

Alcm. Voyez ; et jugez-vous maintenant, vous qui osez nier des faits, et qui me forcez à vous confondre hautement, n’est-ce pas là la coupe dont on m’a fait présent ?

Amph. Grand Jupiter ! Que vois-je ?… C’est elle ; c’est la même. Je reste confondu, Sosie.

Sos. Il faut qu’Alcmène soit la plus habile des magiciennes, ou que la coupe se trouve là dedans.

Amph. Voyons ; ouvre le coffret.

Sos. À quoi bon l’ouvrir ? Il est bien scellé ; le tour est excellent ! Vous avez produit un autre Amphitryon ; j’ai produit un autre Sosie. A présent, si la coupe s’est reproduite aussi, nous voilà tous doubles.

Amph. Je veux, te dis-je, ouvrir le coffret, et regarder dedans.

Sos. Faites bien attention en quel état est le cachet, afin que vous ne vous en preniez pas à moi.

Amph. Ouvre, te dis-je. Car à tout ce que nous

  1. Dans de si longues explications, il est bien étonnant que Sosie oublie l’autre Sosie, et n’imagine pas que cet autre Sosie a pu voir Alcmène. (Andrieux.)