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Page:Plaute, Térence, Sénèque - Théâtre complet, Nisard.djvu/55

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AMPHITRYON.

Sos. Mon cher maître, j’espérais que votre épouse vous donnerait un fils ; mais ce n’est pas un enfant qu’elle porte.

Amph. Et quoi donc ?

Sos. C’est une provision de folie.

Alcm. Je suis certainement dans mon bon sens, et je demande aux dieux d’accoucher heureusement d’un fils ; (à Sosie) mais toi, tu mériterais bien que ton maître te fît donner les étrivières, pour te punir de tes insolents pronostics.

Sos. C’est aux femmes grosses qu’il faut donner des grenades[1] à sucer, pour les faire revenir, lorsqu’elles sont près de se sentir quelque défaillance.

Amph. Vous m’avez vu hier ici ? vous ?

Alcm. Oui, oui, je vous ai vu hier, puisqu’il faut le répéter dix fois.

Amph. En songe, peut-être.

Alcm. J’étais bien éveillée, et vous l’étiez aussi.

Amph. Que je suis à plaindre !

Sos. Qu’avez-vous ?

Amph. Ma femme est devenue folle.

Sos. Une bile noire la travaille ; rien ne fait extravaguer les gens si vite et si complètement.

Amph. Depuis quand, ma chère, vous sentez-vous atteinte de ce mal ?

Alcm. Je suis dans mon bon sens, et je me porte parfaitement bien.

Amph. Pourquoi donc me dites-vous que vous m’avez vu hier, lorsque nous ne sommes arrivés au port que cette nuit ? J’y ai soupe ; et j’ai passé la nuit tout entière dans le vaisseau ; enfin je n’ai pas mis le pied dans ma maison, depuis que j’en suis sorti pour marcher à la tête de l’armée contre les Téléboëns nos ennemis, ni depuis que nous les avons défaits.

Alcm. Je vous assure que vous avez soupe, et que vous avez couché avec moi.

Amph. Que dites-vous ?

Alcm. La vérité.

Amph. Non pas au moins en ceci ; quant au reste, je ne sais.

Alcm. Vous êtes allé, à la pointe du jour, rejoindre votre armée.

Amph. Comment ?

Sos. C’est à merveille ; elle nous raconte le songe qu’elle a fait cette nuit ; mais sans doute, Alcmène, après vous être levée, vous n’avez pas manqué de faire votre prière à Jupiter, qui chasse les prodiges, et de lui offrir un gâteau salé et de l’encens.

Alcm. Malheur à toi !

Sos. Malheur à vous plutôt, si vous y avez manqué !

Alcm., à Amphitryon. Voilà la seconde fois qu’il me parle insolemment, et vous ne l’en punissez pas !

Amph., à Sosie. Tais-toi. (À Acmène.) Je vous ai quittée, dites vous, à la pointe du jour ?

Alcm. Et qui m’a raconté, si ce n’est vous, l’événement du combat que vous avez livré ?

Amph. Quoi ! vous le savez ?

Alcm. J’ai entendu le récit de votre propre bouche, que vous aviez pris d’assaut une ville considérable, et tué de votre propre main le roi Ptérélas.

Amph. Je vous ai raconté cela ?

Alcm. Vous-même, ici, et, de plus, en présence de Sosie.

Amph., à Sosie. M’as-tu entendu faire ce récit aujourd’hui ?

Sos. Comment pourrai-je l’avoir entendu ? Et dans quel endroit ?

Amph. Demande-le à Alcmène.

Sos. Du moins ce récit n’a-t-il pas été fait en ma présence, que je sache.

Alcm. Vous vous étonnez qu’il n’ose pas vous contredire ?

Amph. Oh çà, Sosie, regarde-moi bien là.

Sos. Je vous regarde.

Amph. Je veux que tu parles vrai ; je ne veux

  1. Jeu de mots sur malum, qui vent dire mal et fruit, pomme ou grenade.