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Page:Plaute, Térence, Sénèque - Théâtre complet, Nisard.djvu/54

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PLAUTE.

de tous. Eh bien comment vous êtes-vous portée ? Mon retour vous fait-il quelque plaisir ?

Sos., à part. Je n’ai jamais vu un mari si impatiemment attendu ; on ne le salue pas plus que si c’était un chien.

Amph. Je vois que vous êtes heureusement avancée dans votre grossesse ; je m’en réjouis.

Alcm. Ditez-moi, de grâce, Amphitryon, pourquoi me faites-vous cette plaisanterie ? Vous me saluez, vous me parlez comme si vous ne m’aviez pas vue tantôt ? comme si vous reveniez en ce moment chez vous pour la première fois depuis que vous avez combattu nos ennemis ? Enfin vous me parlez comme s’il y avait longtemps que vous ne m’eussiez vue ?

Amph. Mais assurément ; je vous vois en cet instant pour la première fois aujourd’hui.

Alcm. Pourquoi parlez-vous ainsi ?

Amph. Parce que j’ai l’habitude de dire la vérité.

Alcm. Il ne faudrait pas la perdre, cette habitude. Est-ce une épreuve que vous faites pour connaître mes sentiments ? Pourquoi revenez vous sitôt à la maison ? Quelque mauvais augure ou le vent contraire vous a-t-il arrêté ? vous n’êtes donc pas retourné au camp, comme vous l’aviez dit tantôt ?

Amph. Tantôt ! De quel tantôt parlez-vous ?

Alcm. Vous voulez m’éprouver ; je dis tantôt ; il n’y a qu’un moment ; tout à l’heure.

Amph. Comment cela se peut-il ? Comment vous aurais-je vue il n’y a qu’un moment, tout à l’heure ?

Alcm. Vous croyez peut-être que je prends ma revanche, et que je vous plaisante à mon tour, parce que vous vous êtes amusé à me dire que vous arriviez à présent pour la première fois, tandis que vous veniez de me quitter peu de temps auparavant ?

Amph., à part. Elle extravague, en vérité.

Sos., bas. Attendez un peu qu’elle ait achevé son somme.

Amph. Elle rêve tout éveillée.

Alcm. Je suis très-éveillée, et je vous dis très-positivement un fait certain. C’est que je vous ai vus, vous et Sosie, aujourd’hui, tantôt, avant le jour.

Amph. Où m’avez-vous vu ?

Alcm. Ici, dans votre maison même.

Amph. Voilà ce qui n’est point.

Sos. Qu’en savez vous ? Qui sait si nous n’avons pas fait le voyage en dormant ?

Amph. Ah ! tu vas être de son avis.

Sos. Que voulez-vous ? Irez-vous vous attaquer à une bacchante en fureur ? vous ne ferez qu’augmenter sa folie ; elle en frappera plus fort et plus souvent ; au lieu qu’en lui cédant vous en serez quitte pour le premier coup.

Amph. Non, je veux lui faire des reproches de m’avoir aussi mal reçu, quand j’arrive à la maison.

Sos. Vous jetterez de l’huile sur le feu.

Amph. Tais-toi. Alcmène, je veux vous faire une seule question.

Alcm. Que voulez-vous ? Parlez.

Amph. Avez-vous perdu le sens, ou si c’est l’orgueil qui vous domine ?

Alcm. Comment vient-il dans l’esprit de mon époux de me faire une pareille demande ?

Amph. C’est que jusqu’à présent vous étiez dans l’usage, lorsque je revenais au logis, de me saluer, de m’accueillir comme les femmes vertueuses ont coutume d’accueillir leurs maris ; et aujourd’hui, à mon retour, je trouve que vous avez oublié cet usage.

Alcm. Que dites-vous ? lorsque vous arrivâtes hier, je vous saluai, je vous demandai avec empressement, comment vous vous étiez porté pendant votre absence ; je vous pris la main, mon ami, et en même temps je vous embrassai.

Sos. Vous avez, hier, salué Amphitryon ?

Alcm. Et toi aussi, Sosie.