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AMPHITRYON.

enfers. Mais pourquoi es-tu sortie de la maison ?

Brom. Nous avons eu la même frayeur que vous ; j’ai vu des prodiges étonnants ; et dans ce moment même, malheureuse que je suis !… je n’ai pas encore retrouvé mes esprits.

Amph. Dis-moi, Bromia, reconnais-tu bien en moi ton maître Amphitryon ?

Brom. Certainement.

Amph. Regarde encore.

Brom. Eh ! oui ; c’est vous.

Amph. Voilà la seule personne de ma maison qui garde son bon sens.

Brom. Pardonnez-moi ; personne ne l’a perdu.

Amph. Mais ma femme me fait devenir fou par son indigne conduite.

Brom. Je vais bientôt vous faire changer de langage, Amphitryon ; et vous allez savoir que votre femme est chaste et vertueuse. Je vous en donnerai en peu de mots des marques et des preuves certaines. D’abord, apprenez qu’Alcmène est accouchée de deux jumeaux.

Amph. De deux, dis-tu ?

Brom. De deux.

Amph. Les dieux m’envoient beaucoup de bien à la fois.

Brom. Laissez-moi dire ; que je vous apprenne que tous les dieux vous sont propices, à vous et à votre épouse.

Amph. Parle.

Brom. Aussitôt qu’elle a senti la première douleur de l’enfantement, elle a levé ses mains, s’est couvert la tête, suivant l’usage des femmes en couches, et s’est mise à invoquer les dieux. Alors on a entendu des coups de tonnerre terribles. Il nous a semblé que la maison allait tomber. Mais la maison tout entière était resplendissante, comme si elle eût été d’or.

Amph. Allons ; achève, je t’en prie et ne me fais point de contes. Après cela ?

Brom. Au milieu de ce fracas, nous n’avons pas vu votre épouse verser une larme ; nous ne l’avons pas entendue jeter un cri : il faut qu’elle soit accouchée sans douleur.

Amph. Pour cela, je m’en réjouis, quelle qu’ait été sa conduite envers moi.

Brom. Bannissez donc ces soupçons, et écoutez ce qui me reste à vous dire. Lorsque les deux petits garçons furent venus au monde, elle nous recommanda de les laver. Nous le fîmes. Mais que celui que j’ai lavé est grand ! qu’il est fort ! Personne n’a pu l’attacher dans ses langes.

Amph. Tu me dis là des choses surprenantes, Si cela est vrai, sans doute il faut que ma femme ait éprouvé l’assistance des dieux.

Brom. Je vais vous étonner encore davantage. À peine cet enfant a-t-il été mis dans son berceau, que deux énormes serpents, dressant leurs crêtes, sont descendus de dessus le toit dans la chambre. Tous deux se dressent d’une manière terrible…

Amph. Ah ! grands dieux !

Brom. Ne craignez rien. Ils regardent de tous côtés autour d’eux ; ils aperçoivent les enfants, et vont droit au berceau. Je le saisis et le tire avec moi, fuyant dans la chambre, d’un côté, d’un autre, mourant de peur pour les enfants et pour moi-même ; les deux serpents nous poursuivent, nous pressent. Mais ce gros enfant dont je vous ai déjà parlé ne les a pas plutôt aperçus qu’il saute légèrement hors du berceau, marche droit à eux, et en prend un bravement dans chaque main.

Amph. Est-il possible ? Juste ciel ! C’est un trait à faire frémir. Le récit seul m’en a glacé d’horreur. Mais ensuite qu’est-il arrivé ? Achève.

Brom. L’enfant étouffe les deux serpents. Pendant ce temps-là, une voix qui s’est fait entendre distinctement, a appelé votre épouse.

Amph. La voix de qui ?

Brom. Celle du souverain maître des dieux et