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Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/203

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aucune loi humaine ne prescrivait de laisser orphelins des enfants et d’abandonner une femme enceinte (madame Wilhem l’était encore), toute seule en proie à la misère. D’ailleurs, il ne comprenait pas plus maintenant cette histoire de carte qu’il ne l’avait comprise à la musique du Cours ! Français était chez lui une manière de s’exprimer, et s’il ne les reconnaissait pas comme amis, les hussards, il ne leur faisait point d’injure en le leur disant. Il eut peur pendant toute la nuit, sa digestion se fit mal, et pourtant il ne voulait pas appeler sa femme, car dans l’état où elle était… oh ! pauvre femme ! comme elle pleurerait son Wilhem. Vers l’heure des témoins, c’est-à-dire dès l’aube, il se lava le visage avec du lait pour effacer les plis que la nuit avait creusés, et il murmura, tranquille : Allons-y ! Il y allait parce qu’il ne trouvait pas le moyen de faire autrement, il ne réveilla pas madame Wilhem ; il mit son testament bien en vue sur un meuble, s’habilla et attendit.

MM. de Courtoisier et Zaruski arrivèrent, le képi un peu incliné sur l’oreille, sanglés, boutonnés, reluisants. Leurs sabres traînèrent contre les chambranles, et doucement le médecin les supplia :

— Vous allez réveiller ma femme !

De Courtoisier se mit à marcher sur ses pointes pour faire le galant.

— Où sont vos témoins ? demanda Zaruski, stupéfait de voir le docteur décrocher deux chopes qu’il posa devant eux.