Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/204

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— Tout de suite ! répondit Wilhem souriant. Il sonna la bonne, lui donna des adresses ; celle-ci partit, ne manifestant pas même sa surprise.

Les amis, deux camarades de collège, se présentèrent béats, Wilhem leur expliqua la chose, on fuma un peu, on but une nouvelle canette, puis tout fut organisé, séance tenante, à la papa ; il voulait bien se battre, le ventru, il le fallait, eh bien ! voilà, il allait mourir, plus tôt ou plus tard !

De Courtoisier n’en croyait pas ses yeux. Quelques minutes après, derrière le talus des fortifications, Wilhem recevait du colonel Barbe un coup d’épée par le travers de son gros ventre, et le lendemain il était mort, en riant à sa jeune femme troublée si malheureusement dans sa gestation.

Le duel fit du bruit. Le 8e hussards rédigea une adresse au colonel pour le remercier de ce meurtre d’un pauvre homme, meurtre qu’on ne pouvait éviter, n’est-ce pas, quand on fait métier de patriote ! Il n’y avait de la faute de personne, tout bien considéré. Mais le colonel s’était crânement conduit, les habitants de Haguenau rentreraient leurs : vous autres Français ! Quel joli peuple et comme on était fier de penser que le reste de l’Alsace ne lui ressemblait pas. On s’attendait aussi à quelques manifestations de la part de la jeunesse. De Courtoisier, exaspéré par le manque de femmes, guettait une nouvelle occasion de raccommoder son bras démis, mais un calme solennel régnait dans la ville de Haguenau. Les cafés demeuraient sourds aux fanfaronnades de