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Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/375

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n’y avait point de fleurs ; rien que des feuilles, myrtes, noisetiers, buis, les mille variétés des liserons, des pervenches, plantes sauvages de la ruine. Les croisées donnaient sur l’infinie perspective des routes de chasse, l’ombre de ses bois l’enveloppait d’un reflet reposant, mais bien lugubre aux heures du crépuscule. Dès le mois de mai, Mary voulut que le don Juan vînt habiter avec elle ce coin d’Éden mélancolique. Il fit une résistance opiniâtre, disant qu’on le sèvrerait là-bas de ce qui lui paraissait un besoin absolu, et capitula dans un moment de lassitude. Il se sentait très coupable, autant qu’elle ; il ne pouvait plus invoquer sa dignité d’époux.

Le baron, entrant dans le jardin, faillit se trouver mal, l’air pur le grisait, son cerveau détraqué avait des élancements aigus ; ses bras, remplis de fourmillements bizarres, lui refusaient leur service ; il n’eut pas la force de retenir la grille à moitié rongée par la rouille, et elle lui dégringola sur les reins.

— Je vous ai averti ! cria Tulotte, exaspérée par ce second gâteux, qu’on était obligé de suivre comme un garçon en bourrelet.

Le cocher ricanait.

— Joseph, dit la baronne, repoussant la grille, il faudra chercher un serrurier. Où est notre concierge ?

Le concierge, un jardinier boudeur et qui ne les attendait pas si tôt, traversa la pelouse en maugréant. Tout à coup il s’arrêta stupéfait.

— Hein ? Monsieur… que désirez-vous ?