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Page:Rachilde - Monsieur Venus, Brossier, 1889.djvu/222

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monsieur vénus

— À cette heure ? juste ciel ! Tu as eu le réveil bien prompt, ma chérie ! Voyons, je t’écoute.

Et la chanoinesse se dressa sur son traversin, les yeux dilatés par l’épouvante.

— Je veux me marier, tante Élisabeth !

Te marier ! Oh ! tu es inspirée par saint Philippe de Gonzague, que je prie à cette intention chaque vigile. Te marier ! Raoule ! Mais je pourrai donc réaliser mon vœu le plus cher, quitter ce monde de vanités et me retirer aux Visitandines, où j’ai mon voile tout prêt. Béni soit le Seigneur ! Sans doute, ajouta-t-elle, c’est le baron de Raittolbe qui est l’élu ?

Et elle sourit d’un air un peu malicieux.

— Non, ce n’est pas de Raittolbe, ma tante ! Je vous préviens que je ne tiens pas à m’ennoblir davantage. Les affreux noms me plaisent beaucoup plus que tous les titres de nos inutiles parchemins. Je désire épouser le peintre Jacques Silvert !

La chanoinesse fit un bond dans son lit, leva ses bras de vierge au-dessus de sa tête pudique et s’écria :

— Le peintre Jacques Silvert ? Ai-je