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Page:Ramayana trad Hippolyte Fauche vol1.djvu/245

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sous un voile de larmes. Bharata cependant lui toucha les pieds ; et, pleurant, affligé d’une excessive douleur, il tomba sur la terre, tel qu’un arbre abattu sur la berge d’un fleuve.

Il n’y avait pas un homme qui ne pleurât dans ce moment, accablé de chagrin, avec les artisans, les guerriers, les marchands, avec les instituteurs et le grand-prêtre du palais. Les lianes elles-mêmes pleuraient toute une averse de fleurs ; combien plus devaient pleurer d’amour les hommes, de qui l’âme est sensible aux peines de l’humanité !

Râma, vivement ému de cet incident, étreignit fortement Bharata dans un embrassement d’amour et tint ce langage à son frère, consumé de chagrin et les yeux baignés de larmes : « Mon ami, c’est assez ! Allons ! retiens ces larmes ; vois combien la douleur nous tourmente nous-mêmes : allons ! pars ! retourne dans Ayodhyâ ! Je ne puis te voir dans un état si malheureux, toi, le fils du plus grand des rois ; et mon âme succombe, pour ainsi dire, écrasée sous le poids de sa douleur. Héros, je jure, Sîtâ et Lakshmana le jurent avec moi, de ne plus te parler jamais, si tu ne reprends le chemin d’Ayodhyâ ! »

Il dit et Bharata d’essuyer les pleurs qui mouillaient son visage : « Rends-moi tes bonnes grâces ! » s’écria-t-il d’abord ; puis, à ce mot il ajouta ces paroles : « Loin de toi ce serment ! Je m’en irai, si ma présence te cause un tel chagrin ; car je ferai toujours, seigneur, au prix même de ma vie, ce qui est agréable pour toi. Je m’en vais sans aucune feinte avec nos royales mères, entraînant sur mes pas cette grande armée, je m’en vais à la ville d’Ayodhyâ ; mais avant, fils de Raghou, je veux te rappeler une chose. N’oublie pas, ô toi, qui sais le devoir,