Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/205

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lui est venue plus haut que le genou. Tournant de temps en temps la tête, elle s’avance dans l’éparpillement des cercles qui s’entrecroisent autour d’elle, qui s’embrouillent l’un dans l’autre ; et les petites vagues s’entre-heurtent et ça claque, tandis qu’elle rit de nouveau, tournant la tête vers le bossu. Elle brise dans le beau miroir toutes les images qui y sont : un buisson, une touffe d’herbe, la pente de sable, le ciel ; et un sapin s’y est balancé encore, puis il s’en va par bandes et lambeaux noirs qui s’effilochent. Les choses terrestres, les belles choses de la terre, et elle est parmi et elles s’en vont ; puis les voilà qui reviennent l’une après l’autre, et reprennent chacune sa place. Elle lui a fait signe alors par dessus les choses revenues, par dessus un morceau de ciel bleu. Il n’a qu’à remonter la rive où il se trouve ; elle, elle remontera la sienne jusqu’à un gué. Des martins-pêcheurs s’envolent, faisant un trait bleu en travers de l’air, là où il est occupé par la lumière, et ensuite c’est un trait noir. Il va sous ses deux bosses, la tête en avant ; il glisse dans la terre noire. On peut entendre de nouveau l’eau de la rivière venir avec des choses qu’elle dit, parce qu’ici l’eau ne parle pas, mais un peu plus en amont elle parle. Il est dans des touffes d’herbe de marais et les grosses angéliques aux tuyaux pleins de jus qui éclatent sous son pied, lui faisant faire des faux-pas. Mais elle va à sa rencontre. De nouveau, elle va vers lui avec ses belles jambes, s’avance vers lui de