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Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/206

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pierre en pierre ; elle lui a tendu la main. Elle lui dit : « C’est vous qui vouliez me mener : vous voyez que c’est moi qui vous mène, » parce qu’il a de la peine avec sa trop grosse tête, ses jambes trop courtes, trop maigres ; de la peine à passer le gué et de la peine ensuite, et encore plus de peine. C’est sur la pente de la falaise, c’est entre ces petits murs de béton, et comme ils se dirigeaient de nouveau vers le lac. De place en place, elle le prenait par le bras, sur la pente raide, entre les buissons épineux pleins de grosses sauterelles vertes et d’autres deviennent bleues quand elles s’envolent dans le soleil. Ainsi ils se sont retrouvés devant l’eau, mais à une assez grande hauteur au-dessus d’elle et là où la falaise faisait avancement, — allant dans cette cendre chaude. Parce que ce n’est pas encore chez nous ici, pas encore tout à fait chez nous, comme avait dit le bossu ; mais voilà que venait cette nouvelle petite baie, qui s’est présentée devant eux tout à coup, se creusant en demi-cercle dans la pente toujours aussi raide, sous le couronnement des hauts sapins. Et en arrière de vous toutes les choses d’avant ont été ôtées, l’une après l’autre, glissant rapidement de côté pour disparaître : cette montagne du couchant, les pins bordant la grève, la grève, le bois de pins ; — tout ça qui glisse et qui s’en va, et Décosterd à ses filets, et la maison et puis la rive même ; parce qu’eux tournent, ils ont tourné, et, là, le bossu a dit : « On y est. »