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Page:Revue de Paris, tome 25, 1831.djvu/235

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Il ne bougea pas ; seulement ses grands yeux noirs se tournèrent lentement vers le cadran de la pendule.


« Il n’est pas temps encore, » dit-il ; et son regard, un instant animé, se voila de nouveau des longs cils de sa paupière.


« Quel est cet homme ? demanda un Français arrivé depuis une heure à Vérone. — C’est Valterna, lui répondit-on. — Un officier ? dit le Français en regardant l’épée et les moustaches du jeune homme. — Non, reprit-on, un dilettante. — Un voyageur autour du monde, dit un autre. — Un furieux, un fou, ajouta un troisième en s’éloignant.


— Peut-être pas si fou qu’on le pense, dit le premier qui avait parlé ; mais qui peut savoir la vérité ? — C’est une histoire singulière, et que nul autre que lui ne peut raconter. »


Le Français, frappé profondément de l’aspect de Valterna, céda à un sentiment d’intérêt irrésistible en poursuivant ses questions. Les uns lui dirent que c’était l’amant disgracié de la cantatrice Gina ; d’autres, que c’était l’amant heureux de la duchesse de R**. « Écoutez, lui dit-on, si vous êtes curieux de le connaître, essayez de le faire parler ; peut-être vous montrera-t-il plus de confiance qu’à un ancien ami, peut-être aussi vous tournera-t-il le dos sans vous répondre, car il est bizarre, inégal, inexplicable, mais il n’est pas méchant. Avant sa folie c’était un grand cœur. Allez, parlez-lui de Gina. Si une fois vous le mettez en train de raconter, il vous en dira beaucoup ; mais on ne peut que médiocrement se fier à ses récits, car il ne sait pas toujours lui-même ce qu’il doit penser de sa vie. »


Le Français s’assit à la même table que Valterna ; c’est alors seulement qu’il crut ne pas contempler ses traits pour la première fois. Il se demanda à quelle époque de sa vie le vague souvenir de cet homme devait le reporter, lorsque celui-ci, avec autant d’as-