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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 1.djvu/193

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L’ENFANT MAUDIT.

— Lisez, maître Corbineau, dit le vieillard en tendant la dépêche à son confesseur.

Ces quatre personnages formaient un tableau curieux, plein d’enseignemens pour la vie humaine. L’écuyer, le prêtre et le médecin, blanchis par les années, tous trois debout devant leur maître assis dans son fauteuil, ne se jetant l’un à l’autre que de pâles regards, traduisant chacun l’une des idées qui finissent par s’emparer de l’homme au bord de la tombe, tous fantastiquement éclairés par les riches couleurs du couchant, silencieux, composaient un tableau sublime de mélancolie et fertile en contrastes. Cette chambre sombre et solennelle, où rien n’était changé depuis plus de vingt années, encadrait merveilleusement cette page poétique pleine de passions éteintes, attristée par la mort, remplie par la religion…

— Le maréchal d’Ancre a été tué sur le pont du Louvre par ordre du roi, puis…

— Achevez, cria le seigneur.

— Votre fils…

— Eh bien !…

— Mort…

Le duc pencha la tête sur sa poitrine, fit un grand soupir et resta muet, immobile.

À ce mot, à ce soupir, les trois vieillards se regardèrent. Il leur sembla que l’illustre et opulente maison d’Hérouville disparaissait devant eux comme un navire qui sombre…

— Le maître d’en haut, reprit le duc, en lançant un terrible regard sur le ciel, se montre bien ingrat envers moi !… Il ne se souvient guère de ce que j’ai osé pour sa sainte cause…

— Dieu se venge !… dit le prêtre d’une voix grave.

— Mettez-moi cet homme au cachot !… s’écria le seigneur exaspéré.

— Vous pouvez me faire taire plus facilement que votre conscience.

Le vieillard redevint pensif.