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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 3.djvu/12

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II
bulletin bibliographique.

Histoire des Conquêtes des Normands en Italie, accompagnée d’un Atlas, par E. Gauttier d’Arc ; à Paris, chez Debure, rue de Bussy, n. 30.

Dans les annales de ce moyen âge si pittoresque, si dramatique, il existe encore des époques peu connues et dignes de tout notre intérêt. Parmi celles-ci nous mettrons toujours au premier rang celle qui vit jaillir les premières étincelles de cette civilisation que le temps a perfectionnée, et dont nous jouissons aujourd’hui. C’est à cette époque qu’une poignée de chevaliers, quittant une de nos plus riches provinces, furent fonder une petite ville en Italie, et soumirent bientôt après à leurs armes la Pouille, les Calabres, la Sicile, etc. Le récit de ces faits semble tenir aux temps héroïques de la Grèce ; les exploits des chevaliers normands paraissent fabuleux ; tant de grandes choses ont été faites avec un petit nombre d’hommes ! On est émerveillé quand on pense que ce sont quelques chevaliers dont l’exemple et le mâle courage rendirent l’énergie à un peuple d’esclaves amollis, leur firent affronter et vaincre les phalanges de l’empire d’Orient, qui pesaient de tout leur poids depuis le Vésuve jusqu’à l’extrémité des Calabres et des belles vallées de la Sicile ; et en prenant seulement pour auxiliaire ce mot magique de liberté qui fait faire tant de prodiges.

Certes, c’est un brillant tableau que M. Gauttier d’Arc nous a présenté en nous retraçant l’Italie méridionale au xie siècle ; mais il a senti qu’après les campagnes de Napoléon, rien dans l’histoire du passé ne pouvait plus nous étonner : aussi avec l’esprit judicieux qui le caractérise, il a fait ressortir de ce beau morceau d’histoire une vérité consolante, c’est que les brillantes prouesses de nos ancêtres ne furent pas inutiles à l’humanité, puisqu’elles repoussèrent la barbarie, et affranchirent les Deux-Siciles de la domination étrangère. Les membres épars de ces petits États, trop faibles pour résister aux invasions, se réunirent en un seul corps, et adoptèrent un système d’unité aristocratique, premier pas des peuples vers les gouvernemens pondérés, premier anneau de la chaîne qui attache aujourd’hui toutes les sociétés modernes.

Cette heureuse époque de conquête utile donna le signal à l’Europe engourdie ; Guillaume conquit Albion, et parvint à en faire un royaume compact ; les Croisades suivirent, et l’Europe en rapporta des mœurs plus douces, le goût des sciences et des arts, et une disposition à modifier le système féodal qui divergeait trop les forces matérielles des États.

On ne peut oublier non plus que la civilisation fut redevable à cette première commotion de la fondation de l’École de Salerne, de l’a-