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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 3.djvu/234

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VOYAGES.

verrai le grand-duc, et demain, si vous voulez, vous partirez pour Moscou. Cette assurance me combla de joie, je me confondis en témoignages de gratitude, et me retirai, bénissant le ciel de m’avoir fait trouver un si puissant, un si zélé protecteur.

Varium et mutabile, dit-on de la fortune. En effet, à peine m’avait-elle souri, qu’elle se plut à me tourmenter.

Peu d’heures après mon entrevue avec M. le comte Hédouville, sortant du spectacle, confiant, insoucieux, gai même, croyant dormir sur les deux oreilles, je fus abordé par un individu qui me dit rapidement en français : Rentrez vite à l’hôtel, on doit vous arrêter, il vaut mieux que ce soit chez vous que dans la rue. Puis s’éloignant en toute hâte, il disparut sans que j’eusse le temps de me remettre du saisissement que m’avait causé cet avis, et d’articuler une question.

Le colonel Axamitowski, commandant la place, et le capitaine d’état-major Malinowski m’attendaient à l’hôtel. Chargés de saisir mes papiers et ma personne, ils mirent dans cette mission tant de délicatesse et de bonté, que je leur en conserverai toujours de la reconnaissance. « Si quelque chose peut vous nuire, me dirent-ils, anéantissez-le. Notre cœur est toujours pour la France, et que Dieu nous préserve de vous causer le moindre mal ! — Merci, messieurs, merci, leur dis-je, ce généreux procédé me touche et je ne l’oublierai pas ; mais on me donne trop d’importance. Des intérêts privés m’appellent seuls dans ce pays ; je n’y viens point alarmer le gouvernement. Vous pouvez montrer à son altesse tout ce que renferme ce coffre, dont voici la clef, je ne pense pas avoir rien à craindre de sa justice. »