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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 3.djvu/235

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UN PASSEPORT POUR LA RUSSIE.

Le colonel avait sa voiture dans la cour, il m’y fit monter ; nous nous rendîmes chez lui, j’y couchai, et le lendemain, après la parade, il me conduisit au palais qu’habitait le grand-duc, distant d’une lieue environ de Varsovie. Pendant le trajet, ce digne officier me fit toutes les recommandations qu’il croyait dans mes intérêts. « Ne heurtez pas la colère du prince, me dit-il ; son caractère est violent, parfois brutal. S’il vous injurie d’abord, contenez-vous, il ne peut souffrir de résistance, et je craindrais qu’il ne se portât envers vous à des excès. — Vous voulez dire qu’il me battrait ? dis-je en pâlissant au colonel. » Son émotion me répondit. Dès ce moment nous gardâmes le silence. J’étais affreusement oppressé, mon dernier jour me semblait venu, je me voyais conduire à la mort ; car pour la dignité de ma patrie, pour la mienne, une détermination forte, immuable, préparait déjà ma main à saisir l’épée du colonel pour en percer le grand-duc et moi-même, si l’affront qu’on me faisait entrevoir m’était en effet réservé. Je n’ai pas dit que M. Hédouville m’avait trahi, mais on l’a compris.

Le prince ne nous fit pas attendre, aussitôt pied à terre nous fûmes introduits. « Ah ! vous voilà, monsieur l’imposteur, me dit-il, dès qu’il m’aperçut. Vous ne savez donc pas que tous les mensonges se découvrent, et que pour en soutenir un quelque temps, il faut en ajouter mille autres à sa suite ? — Aurai-je, prince, la liberté de m’expliquer ? lui dis-je d’un ton ferme. — Pour me tromper encore ? — Pour vous faire entendre la vérité, que je rougirais maintenant de ne pas oser dire. — Vous me répondrez, monsieur, et surtout songez bien à ne pas chercher à me prendre pour dupe !… Pourquoi d’abord notre ambassadeur à Paris vous a-t-il refusé