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SAYNÈTE.

sassiner Inès… Quel parricide peut demander grâce après cela… Non, non ; relevez-vous, dona Maria, vous ne l’espérez pas…

Dona Maria.

Eh bien ! la mort pour moi, si je n’ai pas la vie pour lui… Permettez que je le voie dans sa prison, que j’aille adoucir ses derniers momens. Son crime a été commis pour moi ; plus il est grand, plus je dois le plaindre, et moins je dois l’abandonner…

Don Pèdre.

Qui ? vous, dona Maria, si pure, si vertueuse !… Vous, approcher de ce monstre !… Prenez garde ; le crime se gagne, et la damnation se propage comme une lèpre… Je ne le permettrai pas…

Dona Maria.

Oh ! vous parliez de votre Inès tout à l’heure. Si vous aviez vengé son assassinat sur votre père, aurait-ce été à Inès ressuscitée de vous en punir ?… Au nom d’Inès, accordez-moi cette grâce !…

Don Pèdre.

Inès… Non, sans doute… Elle m’eût aimé toujours, pauvre, criminel et damné. Pourquoi avez-vous parlé d’Inès ? Voilà que je pleure comme une femme et que je cède comme un juge… (Écrivant un mot.) Tenez, aller voir don Félix, s’il en est temps encore…

Dona Maria, tristement.

Merci, seigneur !…

(Elle sort.)
Don Pèdre.

L’homme qui a inspiré un tel amour est un parricide, est-il possible ?… Ah ! la raison humaine se perd et se confond à de tels événemens. Le même homme peut-il à la fois exciter une estime si haute et une horreur si profonde !… Ah ! l’un de ces deux sentimens est injuste et menteur ; mais lequel ?… Une idée me frappe… Oui, voici sans doute le mot de cette inconcevable énigme… (appelant.) Quelqu’un !

(Entre un domestique.)