Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 3.djvu/499

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
475
SAYNÈTE.

je n’ai pas la mémoire si courte. Vous voulez encore vous sacrifier pour moi ; mais je vous ai prévenue…

La Comtesse.

Me sacrifier !…

Don Félix.

Ne cherchez plus à nier ; votre majordome, à qui vous aviez confié vos dernières volontés, m’a tout dit. Vous vouliez prendre ma place sur le bûcher. Venez, si vous l’osez, tenter de me ravir encore cette mort, mon bien, mon espoir, mon devoir ; mais elle n’est plus pour moi sur un arrêt qu’on peut révoquer, sur un bûcher qu’on peut renverser ; elle est dans mon sang, dans mes veines, dans mon cœur ; elle circule dans tout mon être…

La Comtesse.

Malheureux, qu’avez-vous fait ?

Don Félix.

J’ai tenu mon serment et payé ma dette. Maintenant, ma mère, votre dévoûment est inutile. Vivez pour me pleurer et pour consoler dona Maria. Un front qu’ont fait pâlir les années ne doit plus rougir. Soyez heureuse, s’il est possible… ce fut le vœu de toute ma vie ! La mort le rencontrera encore sur mes lèvres. Oh ! je sens déjà un frisson mortel… Promettez-moi… Oh ! que je souffre… je fus bien malheureux ; mais je ne puis me plaindre, car j’ai passé des bras de la meilleure mère à ceux d’une amante adorable… Deux cœurs ont battu près du mien… C’est assez, embrassez-moi, ma mère, je ne puis plus parler…

(Il meurt.)
La Comtesse, agenouillée sur son corps.

Mort, mon Félix !… le fruit et la consolation de ma faute !… Mort pour moi !… Mon reste de vie est avec lui dans le tombeau…

(Entrent don Pèdre et dona Maria, suivis de seigneurs et dames de la cour.)
Dona Maria.

Don Félix… Ô mon Dieu… qu’est-ce que cela !…

La Comtesse.

Empoisonné… Il est mort !…