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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 8.djvu/224

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REVUE DES DEUX MONDES.

a pas de refuge. Les révolutions commencent toujours par un coup de tonnerre. Le passé recule, il est épouvanté, il se sent envahi : cependant la confusion se met parmi les novateurs ; les rangs sont mal gardés ; les cris se contredisent ; les volontés se heurtent ; la victoire n’est plus poursuivie avec cette unanimité qui l’a conquise : ce changement n’échappe pas à l’œil des vaincus ; peu à peu ils reparaissent dans toutes les positions naguère abandonnées ; ils rallient leurs phalanges et viennent à leur tour offrir le combat. Alors la lutte recommence, elle n’est plus étourdie, pétulante et courte ; des deux côtés elle est réfléchie, sombre et acharnée. D’une part, c’est l’antiquité, tout ce qui a autorité parmi les hommes par la possession et le temps, la coutume, les traditions héréditaires, les croyances réputées saintes, les idées estimées sages, les intérêts reconnus sacrés ; enfin l’esprit du passé, déployant tout ce qui lui reste de prestige et d’empire. De l’autre, c’est ce que l’esprit humain a de plus jeune, de plus vif et de plus frais, l’innovation pleine d’audace et de cœur, la pensée fière d’être libre, qui veut régner, quoique récente ; l’intelligence qui fait pleuvoir les plus sanglans mépris sur les puissances qui ne relèvent pas d’elle, le génie des choses inconnues, le démon de l’avenir qui anime ses soutiens, électrise ses soldats et leur crie de mettre leur foi, leur religion, leur poésie dans leurs espérances et non pas dans leurs souvenirs. Voilà, monsieur, ce qui se passe en ce moment en France : vous ne pouvez plus nous apercevoir qu’à travers les nuages et la poudre de l’arène et du combat. Non, jamais chez aucun peuple, jamais à aucune époque du monde, le duel du passé et de l’avenir n’a été plus flagrant : tout est en présence ; tous les cœurs sont à nu, toutes les passions sont hardies et sincères ; elle n’est pas prête à se dissoudre, la société assez forte pour supporter ces schismes douloureux.

En vous parlant, monsieur, des prétentions et des doctrines des partisans de l’ancienne monarchie, je ne crois pas trop difficile d’être juste : plus je suis loin de ces opinions, mieux je puis les découvrir et les voir, et l’on doit mieux comprendre ses adversaires à mesure qu’on s’en sépare davantage.