Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/175

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
171
UNE NOCE À CONSTANTINOPLE.

De telles mœurs n’ont rien ici que de très ordinaire, et contribuent souvent à l’avancement dans l’armée ottomane. Ces mœurs, il faut bien le dire, sont caractéristiques de tous les peuples musulmans, turcs, persans, arabes. C’est aux sages de l’époque à décider si elles sont ou non le résultat de la condition des femmes chez ces peuples.

Enfin, le 15 juin arrive. La veille on avait porté, en grande cérémonie, au palais de la princesse, ses trésors, les présens dont elle a été comblée, et tous les objets qui doivent servir à sa personne et à sa maison : trousseau, linge, toilette, ustensiles de cuisine, etc., etc. ; cent mulets, cinq équipages, vingt-cinq fourgons et trente voitures, escortés de deux escadrons de cavalerie, servaient à ce pompeux emménagement. Mais ce jour, avant midi, au milieu d’une longue haie formée près de l’esplanade et continuée sur les coteaux voisins, nous voyons sortir du palais impérial et s’avancer, d’abord tout l’état-major des troupes cantonnées sur le Bosphore, les pachas, les ministres en costume demi-européen ; les membres les plus élevés du corps des ulémas, conservateurs fidèles du costume antique ; le grand muphti, avec un turban blanc couronné d’un large bandeau d’or et un ample manteau blanc, et, à côté de lui, le grand visir, tous deux ruines vivantes de l’ancien empire ottoman ; derrière eux, comme le résumé de leur puissance, le séraskier-pacha, dans lequel est aujourd’hui tout le gouvernement, vieillard de quatre-vingts ans, face rouge, barbe blanche, vert d’énergie, court de taille, gros d’embonpoint ; puis les voitures attelées de six et quatre chevaux, voitures à l’européenne, remplies des dames de la cour, habillées et voilées comme de coutume, pendant qu’aux portières cavalcadent, en redingote à la russe, taille pincée, collet et ceintures dorés, messieurs les eunuques noirs, sainte milice qu’a respectée la réforme. Entre tous ces équipages figure une voiture étincelante d’or, comme une ancienne voiture du sacre, présent de l’empereur Nicolas à son frère l’empereur Mahmoud ; c’est sous les stores de cette voiture que passe invisible la vierge impériale, l’épouse nouvelle, image fidèle, peut-être, de la puissance ottomane près d’être aussi enfermée dans la vaste monarchie russe ; enfin, après une longue file d’arabats, soigneusement clos et également remplis de femmes, deux