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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/176

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REVUE DES DEUX MONDES.

escadrons de lanciers ferment la marche. Ce cortège conduit la jeune sultane à son palais, sur le seuil duquel son époux l’attend ; et tout est fini.

Vers les derniers jours de ces solennités, on reparla du blocus prochain des Dardanelles par la flotte anglo-française. Que deviendra la Turquie ? Que fera l’Europe ? Voilà la question de tous les momens, ici et ailleurs. Pour nous, il nous semble que l’Occident est aujourd’hui embarrassé de l’empire ottoman comme il l’était, il y a près de quatre cents ans, de l’empire d’Orient. Le parallèle est frappant ! Il veut, à cette heure, le secourir, et il a commencé par briser lui-même ses forces. Ainsi fit l’Occident avec l’empire d’Orient. Il prétend le sauver d’un ennemi commun, et il n’apporte, dans cette protection qu’il lui accorde, qu’une sympathie indécise, sans foi dans ses propres efforts, sans foi dans les droits du protégé à son soutien. Ainsi fit l’Occident avec l’empire d’Orient. Et l’empire ottoman a beau s’abjurer pour embrasser la civilisation occidentale ; il a beau s’européaniser à la hâte pour être traité en frère par l’Europe ; lui-même doute de l’appui de l’Europe, et il subit, comme une fatalité, l’alliance menaçante de son plus terrible ennemi qui veille à ses portes. Ainsi fit l’empire d’Orient à l’égard de l’Occident, devenant latin pour n’être pas conquis ; et il ne put échapper à l’ennemi qui veillait à ses portes…

De grands évènemens approchent. — Il y a huit siècles, une race nomade accourut du fond de ses steppes devant les remparts des capitales d’Orient, échangea ses tentes contre des palais, et écrivit les noms de ses khans à côté de ceux des Cyrus, des Alexandre et des Constantin. À présent il semble que la race tartare soit en défaillance, et que de toutes parts il y ait contre elle conspiration. Elle avait, en courant, jeté ses dynasties sur les trônes de Samarcande, de Ghizné, d’Ispahan, de Bagdad, de Delhi, de Pékin, de Jérusalem, de Constantinople : des murailles de la Chine à Moscou et aux frontières de l’Allemagne, du Caire au détroit de Gibraltar, elle avait propagé sa puissance ou installé sa domination. Et la Chine s’est révolutionnée contre les maîtres qu’elle en avait reçus ; des empereurs de Delhi l’Angleterre n’a conservé que le fantôme ; l’Égypte et l’Arabie se sont émancipées par l’heureuse audace de Méhémet-Ali, qui sent que sa puissance n’est vitale qu’à la condi-