Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/177

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
173
UNE NOCE À CONSTANTINOPLE.

tion d’une incarnation, en lui et ses successeurs, du génie arabe. La France a dépossédé le dey d’Alger ; les deys de Tripoli et de Tunis sont sourdement menacés ; enfin, le sultan de Constantinople et le shah de Téhéran chancellent, et la Russie étend vers l’un et vers l’autre ses deux mains armées, comme si pour elle l’instant était venu de vider, avec cette race, une longue querelle, et de se venger des ravages de ses hordes en versant dans deux de ces empires subjugués les lumières de la civilisation européenne. — C’est qu’il y a des momens où les races les plus glorieuses, pour accomplir un nouveau progrès, ont besoin de l’initiation étrangère. La tente d’Orchan a déjà commencé à se replier, et la race ottomane, afin que ses élémens d’avenir se développent, doit prendre place sous une tente plus vaste…

Une noce est terminée ; il en reste une autre à célébrer, plus imposante. La veuve de Constantin et des empereurs d’Orient, après une longue union avec Mahomet ii et les princes ottomans, demande le divorce et aspire à un nouvel hymen. Dans son noble orgueil, elle se plaint que la majesté de ses sultans soit aujourd’hui plus voilée que la face de ses filles, et que sa couche soit le partage de ces eunuques de grandeur et de gloire. Le czar la courtise, une main sur son épée, et l’autre vers son empire immense ; déjà il la salue comme la reine de ses magnifiques possessions. L’Europe alarmée a beau refuser ou faire attendre son consentement : si l’on en croit tous les présages, le génie de Pierre-le-Grand s’apprête à descendre de son trône de glace pour s’asseoir sur les rives du Bosphore, et bientôt peut-être il mettra le diadème des czars au front de Constantinople, qui, revêtue d’une beauté nouvelle, présidera pacifiquement aux destinées communes de l’Occident et de l’Orient représentées dans son empire… Dieu est grand !


E. Barrault.