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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/269

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DE LA RÉFORME COMMERCIALE.

Le même fait se reproduit à Porto-Rico, autre colonie espagnole, affranchie aussi du double monopole colonial. Une notice sur cette île, récemment publiée par le colonel Flingter, planteur à Porto-Rico, fait connaître que le tiers du sucre de cette île est produit par le travail libre, et que c’est le plus beau et le moins cher.

Cet exemple et ces résultats de liberté commerciale sont importans et significatifs sans doute ; il existe encore un autre fait de ce genre, et c’est aux portes de la France que nous le trouvons.

On sait le développement prodigieux que l’industrie de la Suisse a pris depuis plusieurs années. Sans ports, sans canaux, sans rivières navigables importantes, la Suisse a cependant élevé le plus redoutable concurrent de Lyon, Zurich ; sa filature de coton égale la nôtre, si elle ne lui est supérieure. La Suisse n’a pas de tarifs de douanes ; elle ne prohibe rien à l’entrée, rien à la sortie ; la Suisse n’a pas de système protecteur, elle est en pleine liberté commerciale.

Partisan de cette liberté, je n’y vois pas cependant l’universelle panacée aux crises et aux souffrances de l’industrie ; je ne dirai donc pas que

    l’affranchissement industriel et commercial peut exercer sur la production. Toutefois on ne lira pas sans fruit le passage suivant emprunté au Voyage pittoresque autour du monde.

    « Sincapour, née à peine, ne peut avoir encore d’industrie manufacturière, qui est toujours le résultat d’une civilisation lente et laborieuse. Quelques chantiers de construction, et des fabriques de sagou perlé, voilà à quoi se réduisait en 1830 la liste de ses établissemens industriels. Mais son commerce d’échange, ses transactions d’entrepôt ont déjà dépassé la plus haute somme des espérances conçues. Grâce à de larges franchises, obtenues cette fois de la compagnie privilégiée des Indes, les navires européens, les pros malais, les barques de Siam, les jonques de la Chine, de la Cochinchine et du Japon, les bateaux des Bonghis et de l’archipel des Philippines, semblent se donner rendez-vous aujourd’hui sur cette rade de Sincapour, espèce de terrain neutre pour tous les commerçans et pour tous les commerces. Ce mouvement commercial, imperceptible au début, a grandi d’une façon si merveilleuse et si rapide, qu’on l’évalue aujourd’hui à plus de 150 millions de francs par année. La progression a été la même pour la population : en 1819 cent cinquante pêcheurs, moitié Malais, moitié pirates, occupaient seuls la petite anse de Sincapour ; et cinq ans après, en janvier 1824, un recensement fait par les soins de M. Crawfurd portait les habitans à dix mille six cent quatre-vingt-trois ames. On en comptait dix-neuf mille deux cents en 1832, le tout composé de Chinois, de Malais, de Bonghis, d’Hindous, d’Européens, de Javanais, de Siamois. » (Page 200.)