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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/270

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REVUE DES DEUX MONDES.

la grande prospérité de Cuba, de la Saxe et de la Suisse tienne uniquement à la liberté commerciale ; ce serait imiter les sectateurs du système restrictif dans ce que leurs prétentions ont de plus ridicule ; mais des faits aussi importans prouvent incontestablement que la liberté commerciale est parfaitement compatible avec un grand développement agricole, commercial, industriel ; et, en présence de tous les faits parallèles, il est permis d’affirmer que, sans la liberté commerciale, la Suisse, Cuba, Porto-Rico, la Saxe, ne jouiraient pas d’une aussi grande prospérité.


Nous pouvons maintenant rechercher où nous en sommes, en France, de notre affranchissement industriel et commercial.

Un des traits les plus caractéristiques, les plus éminens de notre histoire, c’est notre tendance irrésistible à l’unité, à la centralisation ; c’est cet instinct de nationalité qui, des Pyrénées et des Alpes au Rhin, a fait de nous, hommes du nord et du midi, Basques ou Flamands, Bretons et Comtois, un même peuple, celui où, des extrémités à la tête, la vie circule le plus vite, où la loi de responsabilité mutuelle, de solidarité commune, se sent le mieux. À un tel peuple, il faut un gouvernement fort ; tel est le nôtre ; il lui est donné beaucoup, beaucoup aussi est attendu de lui. C’est, en France, une idée générale et profonde, que la protection du gouvernement est nécessaire aux divers développemens intellectuels, ou moraux, ou industriels de la nation ; grand et noble sentiment, à mon sens, heureux besoin des masses, avec lequel il sera fait des prodiges, toutes les fois qu’il en sera fait bon emploi. Sans examiner ici si la mission de tous les gouvernemens n’est pas de se mettre à la tête de tous les progrès, et de tout animer d’une large et féconde impulsion, je tiens donc pour constant, pour démontré par toute la philosophie de notre histoire, qu’en France ce rôle n’est pas disputé au gouvernement, que le vœu et le besoin général est de le lui voir prendre, et que c’est une idée profondément nationale que celle d’un système protecteur de l’industrie et du commerce.

Et comme jusqu’ici les gouvernemens qui se sont succédé en France, n’ont pas connu d’autres moyens de protéger l’industrie et le commerce que les prohibitions et les restrictions, comme la pensée d’un autre mode de protection n’a pas encore suffisamment pénétré dans les masses, le système restrictif a aujourd’hui, en France, plus de raisons d’existence qu’ailleurs.

Mais si notre tendance à l’unité forme le trait prédominant de notre histoire, il y a dans le caractère national quelque chose de plus déter-