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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/271

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DE LA RÉFORME COMMERCIALE.

miné, de plus saillant encore, c’est le besoin de l’égalité, c’est le sentiment du droit. Or, le système restrictif est profondément, et par toutes ses faces, hostile au sentiment de droit et d’égalité ! Ce ne peut pas être une institution de droit et d’égalité que celle qui, sans règles fixes et sans principes arrêtés, sans moyens certains de distinguer le vrai du faux, le juste de l’injuste, accorde ici une faveur qu’ailleurs elle refuse, se perd dans une perpétuelle confusion de besoins fiscaux et d’idées de protection, sacrifie incessamment les masses à une faible minorité, arme les producteurs les uns contre les autres, les propriétaires de forêts contre les maîtres de forges, les maîtres de forges contre les producteurs de machines, contre les agriculteurs, contre les armateurs, contre les constructeurs, les producteurs de laine contre les fabricans de drap, les filateurs de coton contre les fabricans de tulle, les colonies contre la métropole, les propriétaires contre les ouvriers. Ce n’est pas une institution de droit que celle qui, dans ce temps de contrôle et de publicité, et lorsque tous les droits acquis de la nation viennent se résumer dans la libre discussion et dans le vote de l’impôt, crée d’innombrables et inconnus percepteurs de mille impôts indirects qui nous atteignent partout et frappent toutes nos consommations, sans que nous en puissions ni connaître, ni discuter le chiffre. Qu’est-ce autre chose qu’un impôt indirect soustrait au trésor de l’état, au contrôle et à la publicité, que ces droits de douane, et ces prohibitions qui permettent à certains producteurs de donner à leurs marchandises un prix, non-seulement supérieur à celui auquel l’étranger pourrait les fournir, mais à celui auquel ces producteurs eux-mêmes pourraient fabriquer, s’ils étaient stimulés par une plus active concurrence étrangère ? Qu’est-ce qu’une institution qui enseigne aux citoyens à compter pour s’enrichir sur autre chose que leurs talens, leur persévérance, leur économie ; qui bâtit des fortunes sur un autre terrain que celui du travail, et constitue ainsi le gouvernement, non pas le protecteur, mais le corrupteur de toutes les forces vives de la société ? Est-ce du droit ? Est-ce de l’égalité ? Non, mille fois, non.

C’est pour cela que de plus en plus le sentiment public devient hostile à ce système, et que cette répulsion se répand même plus rapidement que la science économique qui en explique et en démontre les abus et les injustices ; c’est pour cela que la presse est à peu près unanime sur ces questions ; c’est pour cela qu’une commission de la chambre des députés, il y a près de deux ans, a demandé le rappel de ce système restrictif des importations et des exportations, véritable fléau de notre industrie[1] ; c’est

  1. Rapport sur la loi des douanes, présenté le 26 mars 1832 à la chambre des